Enseignement de

Ringou Tulkou Rinpotché

à l'Oasis de Longue Vie

jeudi 1er avril 2010

Question : « Nous sommes ici dans un lieu destiné à des pratiquants bouddhistes âgés, bien que nous ayons aussi parmi nous des personnes jeunes et même des enfants à naître (Amélie attend un bébé pour le mois de mai) Quels sont vos conseils pour vivre la dernière phase de notre vie et nous préparer au mieux à l’échéance de notre mort ? »

Réponse de Rinpotché : Il importe d’abord de comprendre qu’il n’y a pas lieu de séparer vie et mort. Il s’agit d’une simple transition. On peut dire qu’il faut mourir sans crainte ni regret et dans la joie, mais cela vaut tout autant pour notre vie présente.

Néanmoins dans la tradition bouddhiste, on préconise quatre méthodes pour se préparer à la fin de vie et faire face au moment même de la mort.

  1. Générer la bodhicitta.
  2. Adopter une attitude positive. Il ne s’agit d’ailleurs pas simplement d’une attitude mais d’une bodhicitta en action qui consiste à agir bénéfiquement pour tous les êtres en évitant les activités négatives allant à l’encontre de l’esprit d’éveil.
  3. Garder constamment à l’esprit le Bouddha Amithaba 
  4. Prier et souhaiter revenir dans la Terre Pure d’Amithaba.

Générer la bodhicitta, c’est générer la compassion envers tous les êtres et éveiller une aspiration en formulant le souhait suivant : « Je voudrais être libéré de la souffrance, mais je souhaite aussi cette libération pour tous les êtres. » Avec ce souhait, je m’engage à travailler continuellement pour le bonheur des êtres et je dédie ma vie à cela.

Cette attitude constitue la base sur laquelle se fondent les actions positives, car l’intention d’aider les autres ne peut engendrer rien de négatif. Si ma motivation est d’aider tous les êtres, toutes mes pensées et mes actions deviennent positives m’amenant à plus de bienveillance.

Nous en sommes donc au deuxième moyen de préparer la mort qui consiste à s’interroger sur ce qui est utile aux autres et à moi-même. Mettre cela en action, c’est le vrai Dharma. La pratique du Dharma consiste en effet à pratiquer ce qui est bénéfique pour moi-même et pour les autres au travers du corps, de la parole et de l’esprit. Cela est essentiel à la fois pour mourir et pour vivre. Quand je regarde ma vie, je dois pouvoir me dire que je n’ai rien à regretter, que je n’ai pas à éprouver de honte. Je peux simplement me dire que le temps est venu de partir. Accomplir des actions positives nous permet d’être sans regret. Voilà le point de vue bouddhiste. Ce que je suis aujourd’hui provient de mes actions et de mes tendances passées. Ce que je serai dans le futur se présente de manière similaire : essayer de me montrer plus bienveillant aujourd’hui détermine  ma situation future.

Au moment de la mort, nous devons être pleinement confiants avec le sentiment d’avoir accompli des actions positives et la certitude de pouvoir renaître en Déouatchèn.

La troisième méthode pour se préparer à la mort consiste à se connecter au Bouddha Amithaba. Notre esprit doit être relié à Amithaba et à tout ce qui est positif. Trop souvent nous nous tournons vers ce qui est négatif et nous nous disons : « J’ai ce problème et je n’arrive pas à m’en sortir. » Nous devons nous entraîner à ne pas rester enfermés dans nos problèmes. Bien entendu il y a du positif et du négatif dans nos vies, mais si nous nous attachons à ce qui est positif, nous serons plus heureux, plus optimistes. C’est tout le contraire si nous nous focalisons sur ce qui est négatif. Il est important de s’entraîner dans ce sens. Se focaliser sur Bouddha Amithaba ne signifie pas rencontrer le Bouddha, mais faire preuve d’une compassion universelle. Il s’agit d’une énergie : le Bouddha incarne toutes les énergies positives. Etre connecté à Amithaba au moment de la mort est le plus sûr moyen de renaître dans la terre pure de Déouatchèn. Cela devrait nous encourager à cultiver cette connexion à Amithaba.

Il y a une histoire au Tibet qui dit ceci : il y avait un bandit de grand chemin qui était sur le point de mourir. On lui demande de penser au Lama et à Bouddha Amithaba, mais tout ce qui lui vient à l’esprit… ce sont des saucisses en train de griller dans la cendre chaude. C’est très bon. Le Lama lui dit alors : «  Dans le pays de Déouatchèn, tous les arbres portent ces saucisses. D’ailleurs le Bouddha Amithaba apparaît aussi avec cette couleur. » En pensant à cela, le bandit a pu mourir sereinement. L’essentiel est donc de se connecter à une énergie positive au lieu de penser à tout ce qui nous fait peur.

La quatrième méthode est la prière et le souhait de ne connaître ni interruption, ni obstacle, ni empêchement pour naître dans la terre d’Amithaba. Cette terre est décrite dans les livres comme une terre pure, c’est-à-dire sans souffrance, sans problème,  pour moi-même autant que pour les autres. Je prie afin de naître dans la terre d’Amithaba dans une totale confiance. Je suis prêt à partir, sans attachement. Or nous sommes aussi attachés à ce qui nous fait souffrir, à ce qui occasionne nos problèmes, en particulier notre propre identité. Au moment de la mort, il est important de lâcher prise, de ne plus saisir. C’est toute la signification de la pratique de Poa qui est une expérience de détachement. Nous devons nous entraîner à nous détacher des choses, des personnes et aussi à nous détacher de nos problèmes. C’est à nouveau une manière de nous connecter au Bouddha Amithaba.

Ce sont donc, en résumé, les quatre méthodes qui permettent la préparation à la mort.

Question : Que faire quand la souffrance - notamment physique - nous submerge et fait obstacle à cette préparation à la mort ?

Réponse de Rinpotché : Cela montre d’abord qu’il est important de commencer cet entraînement dès à présent. Il se peut qu’ensuite la souffrance soit moins intense. Par ailleurs, si on pense beaucoup aux autres, cela diminue aussi notre propre souffrance. C’est un moyen d’éviter que la souffrance mentale vienne se surajouter à la douleur physique.

Voyez l’exemple de Tenga Rinpotché, un grand maître accompli qui, malade du diabète, a perdu un œil, deux doigts et une jambe. Bien que gravement handicapé, il est l’incarnation de la joie sereine. Il demeure plein de compassion pour tous les êtres et sans aucune crainte pour sa propre existence.

On peut aussi citer l’exemple de cette jeune femme atteinte d’un cancer et qui s’est retirée pour pratiquer intensément avant sa mort, une mort qui fut douce malgré la gravité de son état physique.