Enseignement et méditation guidée
de Lama Shérab Namdreul
Retranscription de Marie Jo
extrait d’un enseignement du cycle “Mandala Yoga”
… On s’installe sur son coussin…
… On est rentré dans le temple et parfois nos habitudes sont entrées avec nous avec nos dispersions, divertissements et distractions. Il faudrait plutôt « rassembler ses idées », « rassembler ses esprits »…
Ces expressions sont éloquentes, on est dispersé, on rassemble ses esprits pour n’en faire qu’un. C’est le phénomène de concentration, on tourne vers l’intérieur et c’est commencer à enfin prendre soin de soi. On s’assoit sur un coussin et… « enfin, ouf ! seul avec moi-même ! », « enfin je vais prendre un peu soin de moi » . Prendre ce soin d’être à l’écoute de notre aspiration.
Maintenant on va prendre soin de soi dans une grande optique, une grande perspective, pour toutes nos vies futures et aussi avec une grande envergure, celle d’être en lien aux autres. Si on arrive à prendre soin de soi, on pourra prendre soin des autres.
Donc recueillement… posez vous…on pose le corps comme on pose la voiture au parking et on laisse refroidir le moteur. Laisser le corps faire ce qu’il sait faire ; être un corps. Il vous le rendra bien. On confie le corps à la posture sur le coussin et le corps deviendra lui-même un coussin pour l’esprit. C’est profiter du confort des souffles. Prendre soin de soi, c’est ce qu’on pourrait appeler méditer dans un premier temps. Mais qu’importe. Ne cherchez pas à savoir ce que veut dire « méditer » mais placez-vous dans ce sentiment de « prendre soin de soi »…
Ne plus être dispersé par les habitudes, les inquiétudes. Savoir, ne pas savoir… espérer, craindre… on est balloté, on ne sait plus comment être, ce qu’on devrait être ou ce qu’on ne devrait pas être, tout ça, ce sont les habitudes mentales, les habitudes psychiques, subconscientes, qu’on ne décèle pas toujours. On les décèle quand ça ne va pas bien ou justement quand on essaie de se poser. On voit ses dilemmes, ses contradictions intérieures, il peut y avoir des doutes, de la confusion.
On est à la fois dispersé et diffus, confus. On se recueille, on s’accueille pour trouver des certitudes. Des certitudes, c’est ce qui fait foi. Ce ne sont pas des croyances en quelqu’un ou en quelque chose. C’est quelque chose qui fait foi en soi. Une certitude de soi. Qu’est-ce qui nous reste comme certitude dans la confusion, la distraction, les habitudes mentales ?…
Malgré la diffusion, la confusion, la dispersion, malgré les aléas, bonheur malheur, satisfaction compensation, insatisfaction, contrariété, déception… au-delà de tout ça, de quoi peut-on être certain ? À travers tout ça, quelque chose qui est indélébile à soi-même, quelque chose qu’on ne pourra pas nous retirer, même la mort…
Cette certitude qui fait foi, c’est qu’on ne peut que faire expérience. On ne peut pas échapper à cette faculté qu’on appelle expérience. À cette faculté, on met le mot « esprit » mais ce n’est rien d’autre que soi. La seule certitude : on est un être doté d’esprit, c’est-à-dire capable d’expérience. Cela fait foi, certitude. On n’en sera jamais séparé, ce qu’on appelle l’esprit, cette faculté d’expérience, on l’a constamment à même, à chaque instant, à même soi-même, à portée d’esprit.
On ne peut pas nier l’évidence : on fait expérience. On entend, on voit, on sent, on souffre, on est heureux…il y a une seule et même racine qu’on appelle l’esprit, une seule même base. Ce n’est que soi-même…
Cette base, certains l’appellent « citadelle intérieure » comme Marc Aurèle, d’autres l’appellent « bodhicitta », ou « joyau caché » dans le soufisme. On l’appelle aussi « refuge ». Nous sommes notre propre refuge, c’est-à-dire notre propre protection. Le mot même souffrance ne s’énonce pas.
Placez-vous dans ce sentiment d’intérieur, d’intimité infranchissable. Personne ne peut le franchir, même un démon ne peut pas l’envoûter, le posséder…c’est soi-même, infranchissable, invulnérable, insubmersible…
Cette nature de notre esprit n’a aucune programmation. Elle est purement spontanée. Elle est non-née. Même vouloir être bon n’est pas de son ressort. Il est de la nature de la bonté même, c’est-à-dire la compassion inconditionnelle, parce qu’elle n’est pas programmée. Cette nature non-née induit qu’elle n’est pas inquiète de cesser. Il n’est pas programmé pour mourir donc elle est quiétude. Cette quiétude s’exprime par une compassion inconditionnelle…
Cette nature n’est pas autre chose que soi-même, elle n’est pas extérieure, elle n’est pas contenue ou contenant, elle n’est pas intérieure, elle n’est pas dans la tête ni dans le cœur…
Vous observez et si vous vous prenez à dire « moi », ajuster cette vue que c’est l’esprit. Ne cherchez pas l’esprit. Il est en train de vous dire « moi ». C’est comme quelqu’un qui verrait une vague, il tournerait la tête pour chercher l’océan. Vous avez la vague, vous avez l’océan. Vous avez du connu, vous avez la connaissance. Vous avez un sentiment, vous avez l’esprit.
Elle est à même, à même l’idée même de soi. dès qu’on a l’idée de soi, il procède de cette base, cette idée procède de cette base. Il n’y a pas deux, moi et l’esprit. Vous restez dans cette vue…
Dès qu’on lui prête une caractéristique, c’est une erreur et en même temps, il est dans la plénitude de toutes les caractéristiques. Il faut comprendre que toutes les caractéristiques qu’on met sur les expériences comme par exemple « c’est agréable », « c’est désagréable », si on comprend que ça procède de l’esprit même, et bien on peut comprendre que ce n’est pas vain de vouloir être heureux. C’est possible, mais il faut partir du bon point de vue, du point de vue de l’intime et non pas sur l’extérieur. Tout procède de l’esprit, les imputations, les discours, la discrimination. Si on comprend cela, on laisse en la nature même de l’esprit le fait d’expérimenter. C’est ce qu’on essaye de faire quand on dit « méditer », c’est laisser, lâcher-prise toute discrimination : si cela doit être agréable, que cela soit agréable, si cela devait être désagréable, que cela soit désagréable.
C’est nous-même qui mettons du pouvoir dans les choses. Donc on a tous les pouvoirs de ne pas mettre de pouvoir aux choses, puisque toute expérience procède de l’esprit. Comme une vague procède de l’océan.
Prendre soin de soi, c’est se contacter soi-même à soi-même. C’est le devoir que nous demandait le Bouddha Sakyamouni, c’est de n’avoir pour seul refuge que sa propre nature, soi-même. Si on prend refuge dans quelque chose ou dans quelqu’un d’autre, on n’est pas un disciple de Bouddha.
Parfois, subrepticement, on a des moments de grâce, de contact, mais peut-être qu’on n’est pas assez informé pour voir l’importance de ce contact et puis c’est vite oublié, on reprend le quotidien, nos habitudes, celles de l’activité quotidienne, mais surtout nos habitudes psychiques. Parfois on n’est pas suffisamment alerte ou averti qu’il y a des petits moments de grâce qui pourraient prendre plus d’espace, et le fait de ne pas le reconnaître, c’est ce qu’on appelle l’ignorance. Ignorance, ça veut dire qu’on n’est pas en connaissance. On a manqué la rencontre. On peut dire aussi inadvertance, négligence. C’est sur la base de cette ignorance que viennent différents autres voiles et l’on n’est dépossédé de soi-même. Vient ensuite le voile de la discrimination, tout le temps en débat, « c’est bien », « c’est pas bien ». Puis il y a le voile des distorsions émotionnelles qui flouent notre perception qui engrange des shémas impulsifs qui tissent le voile du karma.
Comment savoir qu’on ignore, parce que le propre de l’ignorance, c’est d’ignorer, et bien le Bouddha a dit « c’est doukha » le mal être existentiel. Dès qu’il y a une contrariété existentielle, c’est qu’on est dans l’illusion, dans l’ignorance. Comment savoir qu’on n’est pas en bonne santé, c’est quand on a un bobo. Au niveau spirituel, c’est la même chose. Est-ce qu’il y a une contrariété existentielle, face à la mort, à la maladie, à la naissance, à la vieillesse, aux séparations, aux ruptures etc… ? c’est qu’on est dans une illusion. Donc doukha est le symptôme d’une illusion. C’est tout ce qu’on doit savoir. C’est sur cette base-là qu’on génère ce qu’on appelle une aspiration, un appétit. Une espérance qu’on a tout en notre pouvoir, entre nos mains, à portée d’esprit. L’espérance c’est que doukha n’est que le symptôme et non pas une fatalité, ce n’est qu’un symptôme, l’effet d’une cause. C’est optimiste. Il n’y a pas à être pessimiste et déprimé.
On a tous les pouvoirs, seulement on n’y consacre pas assez de temps, c’est tout. Il n’y a pas de gens plus intelligents que d’autres. C’est une intelligence du cœur, du bon sens. Développer une aspiration, c’est développer une exigence avec soi-même.
On va développer cette aspiration en soi, sans mot, sans prière. une ferme résolution : « à partir de maintenant…jusqu’à l’obtention de l’Éveil »…
Des fois, l’aspiration ne vient pas d’elle même. Il faut alors la booster, lui trouver une nécessité en méditant par exemple les quatre idées fondamentales pour faire naître ce qu’on appelle le renoncement. Le renoncement ne consiste pas à renoncer à la vie, renoncer aux autres. C’est une fatigue, admettre une fatigue : on est fatigué de notre ignorance. Ce n’est pas être fatigué de soi, ce n’est pas être fatigué de la vie ou des autres. C’est être fatigué de notre ignorance, fatigué de nos illusions, de nos habitudes karmiques, fatigué de ne pas être maître de soi. Avec l’aspiration, on s’exige quelque chose d’autre.
Ne méditez pas, soyez à même vous-même, à même le sentiment qui s’exprime maintenant. Un sentiment de ne pas y arriver, vous en avez marre… c’est que vous avez décrété un espoir d’y arriver. Ne construisez pas. En relâchant toute fabrication, vient le pouvoir d’être à même soi-même, tout simplement…
Tout ce qui nous empêche de contacter notre nature, c’est l’espoir-crainte. Comment déceler l’espoir crainte ? C’est le découragement, la déception, le sentiment d’échec, de ne pas réussir etc… Ce sont là nos maîtres qui nous permet de décèler l’espoir-crainte. Comment cesser avec l’espoir crainte ? C’est d’arrêter toute démarche et rester à même notre propre nature.
Méditer, ce n’est pas obtenir des états de méditations, c’est obtenir de plus en plus d’aptitude à être à même soi-même, à être naturel à soi-même.