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Le Guide du Naturel (sct. Sahajasiddhi-paddhati) de Lakṣmīṅkārā rassemble La Démonstration du Naturel (sct. Sahajasiddhi) attribuée à Indrabhūti et le commentaire qu’en fait Lakṣmīṅkārā et que je traduis précisément le Guide canonique de la démonstration du Naturel (sct. Sahajasiddhi-paddhati). Indrabhūti est traditionnellement présenté comme le roi d’Oḍḍiyāna et Lakṣmīṅkārā comme sa sœur. Ces deux personnages sont à l’origine de deux approches du Naturel (sct. Sahaja) très différentes, l’une de type mahāyoga , l’autre « naturelle », et ils sont considérés comme les auteurs d’œuvres s’inscrivant dans ces deux approches.
Selon la tradition, Indrabhūti, le roi légendaire d’Oḍḍiyāna, aurait invité le Bouddha chez lui, afin que ce dernier lui enseigne comment atteindre l’éveil sans renoncer au désir. En réponse le Bouddha lui aurait enseigné le Guhyasamāja Tantra et la pratique de karma-mudrā selon Tārānātha (1575–1634). Chez « l’historien » Tārānātha, il y a d’ailleurs trois Indrabhūti appartenant à la même dynastie de rois d’Oḍḍiyāna, sans doute pour justifier le laps de temps passé entre l’époque du Bouddha et la transmission ultérieure (X-XIIème siècle) de ces instructions. Pour Geu Lotsawa (‘Gos lotsāwag Zhon nu dpal 1392-1481), Indrabhūti serait même l’auteur du Guhyasamāja Tantra.
Pour sa transmission de la karmamudrā, Tārānātha cite textuellement le début de la transmission du Guide du Naturel, mais présente ensuite une lignée de transmission différente avec plusieurs Indrabhūti et Padmavajra (trois individus pour chaque nom, les troisièmes n’étant pas mentionnés dans sa présentation). À l’origine de sa lignée de karmamudrā, il place une ḍākinī qui aurait connu le premier roi Indrabhūti et qui se serait plus tard émanée comme la bayadère Palden Déouai Reulmo (tib. dpal ldan bde ba’i rol ba mo), aussi appelée « la bayadère du Sahajasiddhi ». Cette bayadère serait, selon Tārānātha, à l’origine de diverses lignées de karmamudrā, différentes de la lignée de grâce qui est celle présentée dans notre Guide. La transmission de la lignée de karmamudrā présentée par Tārānātha passe de cette danseuse à Padmavajra le majeur, Anaṅgavajra le gardien de porcs (tib. phag tshangs pa), Padmavajra Saroruha (tib. mthso skyes) l’intermédiaire, puis à Indrabhūti l’intermédiaire, Jālandharipa, Kṛṣṇacārya, Kalyānanātha (tib. dge ba’i mgon po), Amitavajra (tib. dpag med rdo rje) et finalement à Kusalabhadra. Une lignée très complexe avec des histoires fort étranges et merveilleuses.
Tārānātha, qui vécut au XVI-XVIIème siècle, voulut peut-être présen-ter une lignée de sahajasiddhi de type karmamudrā différente de celle du sahajasiddhi « naturel », tout en la faisant remonter au roi In-drabhūti d’Oḍḍiyāna, récipiendaire du Guhyasamāja Tantra, et y introduire une ḍākinī/bayadère « émanée », pour combler le vide temporel et historique de la transmission.
Dans ce livre, nous allons nous en tenir à la transmission du Guide du Naturel de Lakṣmīṅkārā dont nous présentons ici une traduction française richement annotée. La transmission de cette instruction est présentée selon les règles de l’art des tantras. Ainsi, elle prend son origine à Oḍḍiyāna, le berceau du vajrayāna, avec deux personnes emblématiques du vajrayāna dont l’autorité est incontestable dans le bouddhisme ésotérique tibétain. Le texte fournit lui-même sa propre généalogie tantrique, mais son véritable message et sa méthode sont néanmoins plus proches des grands discours (sūtra) du mahāyāna. Ils semblent correspondre tout à fait à la troisième voie présentée par Gampopa comme la voie de la connaissance/reconnaissance qui se distingue des voies du renoncement et de la transmutation (tantras).
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