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  Extrait 1

 

A. Les différents aspects du karma

Les enseignements des dix-huit traditions du Petit Véhicule18 sont divisés en trois Corbeilles19 : les s?tras (discours du Bouddha), le vinaya (règles de discipline intérieure) et l’abhidharma (connaissance des phénomènes).

A.1. La volition

L’abhidharma de l’école Sarvastivada20 présente le karma selon un double aspect que Vasubandhu21, dans son commentaire (l’Abhidharmakosa-Bhasya), décrit ainsi :

Les sutras disent qu’il existe deux types d’action, la volition (cetana) et l’action qui a été voulue. L’action qui été voulue (cetayitva) est ce que le karika22 désigne par les mots « ce qui est produit par la volition23.

Son frère aîné, Asanga, aborde également le sujet dans l’Abhidharmasamuccaya :

Qu’est-ce que l’action dominée par les souillures (klesadhipateya-karma) ? L’action de volition (cetana-karma) et l’action faite après l’avoir voulue (cetayitva-karma)24.

De manière plus précise, la volition correspond à l’un des cinq facteurs mentaux omniprésents (panca-sarvaga), celui qui dirige l’esprit vers son objet et impulse les actions. C’est donc un élément qui accompagne constamment l’esprit ordinaire et pousse à penser, à dire ou à faire quelque chose. La volition meut constamment le mental vers tel ou tel objet, qu’il soit vertueux, non-vertueux ou autre. Elle opère avec les six consciences (oculaire, tactile, gustative, olfactive, auditive et mentale) mais ne dure que l’espace d’un instant.

 

Extrait 2

 

B. Les karmas accomplis et accumulés

Dès lors qu’un être ordinaire agit mentalement, verbalement ou physiquement, du karma est accompli mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est accumulé. En effet, un acte constitue une voie karmique (karmapatha) complète dès lors qu’il réunit quatre critères : 1/ une base qui est l’objet (vastu) vers lequel l’acte est orienté, 2/ une intention (asaya), 3/ la mise en œuvre des moyens pour accomplir l’acte (prayoga) et 4/ un aboutissement avec l’effet manifeste de l’acte (nisthagamana). À cette liste, on peut ajouter un cinquième élément pour que la voie karmique produise son plein effet : l’absence de regret et de force d’opposition qui pourraient atténuer ou effacer le karma. De plus, pour qu’il s’agisse d’un karma accumulé non-vertueux, il faut encore ajouter le critère des facteurs afflictifs (klesa).

Lorsque les quatre critères précités sont présents au complet, le karma accompli est accumulé, mais s’il n’est pas animé par une intention, le karma est accompli sans être accumulé.

Pour prendre un exemple, si je vois un moustique se poser sur mon corps et que je l’écrase soudainement avec ma main pour qu’il ne me pique pas, il s’agit d’une voie karmique complète : 1/ le moustique constitue l’objet de l’acte consistant à lui ôter la vie, 2/ l’intention de le tuer est présente, 3/ la main qui s’abat sur lui est le moyen de lui ôter la vie et 4/ sa mort est l’aboutissement de l’acte. Le karma de tuer est complet ; il est par conséquent accompli et accumulé. Admettons cette fois que j’essaie d’écraser le moustique mais que je le manque et qu’il s’échappe : le quatrième critère du karma complet consistant à ôter la vie – l’accomplissement de l’acte – manque car l’insecte n’a pas perdu la vie. Le karma d’ôter la vie n’est donc pas complet. Autre cas de figure, dans l’obscurité de ma chambre, il me semble apercevoir un moustique posé sur la table de nuit. Ma main s’abat dessus mais je m’aperçois après mon geste qu’il s’agissait en réalité d’une grosse poussière. Ici, c’est le premier critère – le moustique comme objet de l’acte – qui manque pour que le karma d’ôter la vie soit complet. En revanche, il y aura eu accumulation d’un karma mental négatif du fait des mauvaises pensées animées par des facteurs afflictifs qui auront été à l’origine de l’acte.

Prenons cette fois l’exemple d’insectes qui viennent s’écraser sur le pare-brise de la voiture que je conduis. Il est certain que ma conduite est la cause de leur mort mais je ne provoque pas celle-ci volontairement, je n’ai pas conçu l’idée de rouler pour les tuer. Ainsi, l’acte que j’ai accompli l’a été sans intention. Comme le deuxième critère manque pour que ce karma soit complet, il est donc ici accompli mais non-accumulé.

Autre cas de figure : si un chasseur tire sur un bosquet dans l’obscurité en croyant y voir un animal, il a l’intention de tuer mais la réalisation de l’acte n’est pas effective car aucun être animé ne perd la vie. Le karma n’est donc pas complet.

Cette distinction a toute sa pertinence car un karma accumulé produit plusieurs types d’effets qui, comme nous le verrons plus loin, donnent toute leur puissance aux actes. Par conséquent, il est clair que l’intention ou la motivation est l’élément déterminant dans l’accumulation du karma et dans la puissance de ce dernier. De plus, elle donne à l’acte sa coloration et permet ainsi de le qualifier de vertueux ou de non-vertueux. En effet, une action peut apparaître négative d’un point de vue extérieur alors qu’elle ne l’est pas. Pour l’illustrer, on raconte l’histoire de celui qui, afin de sauver la vie d’un animal poursuivi par un chasseur, avait menti à ce dernier en lui indiquant une mauvaise piste : en apparence, il s’agissait d’un mensonge et donc d’un acte non-vertueux mais le fait d’avoir agi avec l’intention de protéger une vie en faisait un karma vertueux et méritoire. Ceci nous montre qu’il vaut mieux éviter de juger le comportement d’autrui dès lors qu’on ne peut pas lire dans son esprit.

Il est à préciser également qu’un acte peut n’être ni accompli ni accumulé, dans un cas de figure particulier. En effet, si j’applique un antidote purificateur à l’acte négatif que j’ai accompli mais non-accumulé du fait qu’il était involontaire, l’acte sera en définitive ni accompli ni accumulé. Ces antidotes au karma négatif seront analysés dans une autre partie de l’ouvrage.

Un autre cas particulier est celui de l’activité onirique durant le sommeil : si je rêve que je tue un insecte, l’acte n’est pas accompli concrètement mais il y a un karma mental susceptible d’être accumulé.

 

 

Extrait 3

Sutra de l’analyse détaillée du karma

 

Le sutra traduit ci-après du tibétain analyse le processus karmique en montrant que les actes entraînent des effets plus ou moins favorables ou néfastes. Il explique comment la causalité des actes définit le type de naissance – dans une destinée funeste ou supérieure –, comment elle façonne les conditions de vie – confortables ou douloureuses – et comment le mélange d’actes vils et vertueux donne des résultats tout aussi mélangés.

Ce discours du Bouddha encourage l’attention portée aux actes que l’on accomplit et accumule à travers le corps, la parole et l’esprit. Il met en exergue la nécessité pour l’homme sage de mener une vie vertueuse, de discerner ce qu’il convient d’adopter et de rejeter, de discipliner son esprit pour en prendre la pleine maîtrise, de respecter ce qui est digne de l’être et de lâcher l’attachement pour faire preuve de générosité.

Le texte tibétain a été classé au sein du Kangyur de Dergé78 dans la collection des sutras relevant du Petit Véhicule. Pour autant, certains termes employés (six transcendances, bodhisattva, etc.), même s’ils y sont rares, appartiennent au Grand Véhicule, ce qui laisse à penser que le texte a connu quelque influence marginale du milieu mahayaniste... Comme il ne comporte pas de colophon, on ne sait ni qui l’a traduit ni quand ce travail a été effectué mais la présence d’un vocabulaire parfois très ancien permet de penser que l’unique traduction tibétaine date d’avant la parution du Mahavyutpatti, ce glossaire de sanskrit/tibétain qui a standardisé au IXe siècle le vocabulaire utilisé pour les traductions tibétaines. On peut ainsi supposer que

le sutra a été traduit très tôt par les Tibétains, probablement vers la fin du VIIIe siècle. L’archaïsme de certains termes dont le sens n’est pas resté dans le tibétain classique et certaines formulations obscures posent des problèmes d’interprétation, en laissant parfois la possibilité de différentes compréhensions d’une même phrase.

En 1883, le linguiste et orientaliste français Léon Feer publia des traductions de différents s?tras dont celui du Karmavibha?ga ou « Analyse détaillée du karma », effectuées à partir du tibétain. Un tel travail entrepris au XIXe siècle, alors que les études de la langue tibétaine n’en étaient qu’à leur balbutiement en France79 et que les universitaires n’avaient pas encore accès à la tradition vivante est remarquable mais cette traduction ancienne comporte trop d’erreurs pour servir réellement de référence.

Le texte tibétain a été récemment traduit en anglais par Bruno Galasek-Hul et Lama Kunga Thartse Rinpoche avec un important appareil de notes. Celui-ci commente les points difficiles en soulignant les différences pouvant exister entre certains textes tibétains. Il fait également référence à la traduction de Léon Feer ainsi qu’à la version sanskrite éditée en 1932 par l’indologue français Sylvain Lévi qui ramena du Népal un exemplaire du XVe siècle et en fit également une traduction.

Ce texte sanskrit suit approximativement les séquences de la version tibétaine, mais d’une manière plus développée. Il constitue donc aussi un utile travail de référence, sachant qu’il en existe une traduction anglaise du moine Anandajoti Bhikkhu.

La présente traduction française a été effectuée à partir de deux exemplaires tibétains du s?tra. Les points difficiles ont été clarifiés avec l’aide des travaux de Bruno Galasek-Hul et Lama Kunga Thartse Rinpoche ainsi que d’Anandajoti Bhikkhu pour ce qui est de la version sanskrite. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés, la traduction étant un travail évolutif où les recherches de chacun contribuent à son amélioration.

Pour ne pas alourdir le texte, les nombreuses notes explicatives figurent en fin de traduction pour les lecteurs qui souhaitent s’y référer.

 

 

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