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LA BASE DES MANTRAS SECRETS
Pour présenter la base dans la voie de la
transformation du Grand Véhicule, nous aborderons tout d’abord sa nature en
expliquant en quoi elle consiste. Puis, nous verrons comment la libération naît
de la réalisation et le fourvoiement
[1]
de
l’absence de cette dernière.
A. La nature de la Base dans
la voie de la transformation
On
trouve ces mots dans l’Athri :
Si l’éveil en tant que Base
n’est pas reconnu,
L’éveil en tant que voie
n’émergera pas dans l’esprit
Et s’il n’émerge pas,
l’éveil en tant que résultat ne se manifestera pas.
Ainsi, nous distinguerons la Base de l’état naturel de
la Base de l’objectif
[2]
. Le
tantra Chipung Sangwa Senthub nous dit à ce propos :
La
conscience
[3]
de la Base universelle
N’est rien de particulier
mais elle est totale clarté.
Sans couleur ni substance,
Ni existante ni
non-existante, elle n’est ni éternelle ni promise au néant.
Sans production ni
cessation, elle n’est ni apparence ni vide.
Ni à adopter ni à rejeter,
elle n’est ni objet ni conscience
Et n’est ni mouvante ni inchangeante.
Elle ne
s’identifie ni aux facteurs afflictifs1 ni à la compassion,
Ni aux cinq
poisons ni à la sagesse originelle.
Elle n’est
ni bouddha ni être animé,
Elle ne va
ni ne vient,
Elle n’est
ni sapience ni manifestation du mental,
Ni chimère
ni stabilité.
Ni soi ni
autrui,
Elle n’a
pas été créée par le grand sage Shenrab
Ni façonnée
par d’habiles personnes.
Elle est semblable aux
limites du ciel.
Extrait 2
.... B. Les quatre initiations
L’initiation
constitue la porte d’entrée de la voie des mantras secrets. En effet, de la
même manière que la bodhicitta orientée vers le suprême éveil forme la porte
d’entrée du Véhicule des transcendances dans le cadre de la vérité
conventionnelle, l’initiation qui porte à maturité l’esprit non encore mûr
permet de pénétrer sur la voie du Grand Véhicule des mantras secrets.
Comme il est dit
dans le Sangdön Namche :
L’initiation
ouvre la porte donnant accès à la voie profonde.
Et dans le Denö Dzö :
Les quatre
initiations forment la toute première porte pour entrer dans les mantras
secrets.
Lorsqu’il est dit
qu’il faut d’abord obtenir une initiation pour se retrouver sur la voie
tantrique, on peut alors se demander si l’initiation précède ou pas cette voie
et, si elle ne la précède pas, en quoi peut-on parler de porte donnant accès à
la voie. En réponse, on doit considérer que ce qu’on appelle la « porte
d’entrée » de la voie tantrique est l’initiation car celle-ci porte l’esprit à
maturité afin qu’il devienne un receptacle adapté aux
mantras secrets. Pourquoi cela ? Pour la raison suivante : quel que soit le
système tantrique du Bön – extérieur, intérieur ou
secret –, avant de s’engager en toute activité positive (étude, enseignement,
méditation, etc.), on commencera par faire en sorte de recevoir une initiation
auprès d’un Pönse qualifié.
Comme il est dit
dans le Yungdrung Wangyü :
Il est certain
que l’obtention d’une initiation est le préalable
Pour
entreprendre et réaliser quoi que ce soit.
On doit
considérer que la voie des mantras secrets et l’initiation véritable naissent
toutes deux simultanément dans le courant de conscience. En effet, il n’y a pas
d’obtention de la voie tantrique sans obtention de l’initiation et l’obtention
de celle-ci implique l’obtention de la voie.
On trouve ces
mots dans le commentaire Yishin Nampar Köpai Gyen :
On doit
recevoir l’initiation car, dans le cas contraire, on ne peut franchir la porte
des mantras. Si l’on entre [sur la voie, sans obtention véritable de l’initiation],
les qualités [de la voie tantrique] ne naîtront pas dans l’esprit et on tombera
sous la coupe des obstacles comme des circonstances [contraires].
L’essence de
l’initiation est la sagesse originelle née d’elle-même. Dès lors, on doit
considérer que l’obtention de l’initiation suppose au minimum d’avoir reçu
l’introduction à cette sagesse.
En outre, le Gyutrül Drawa dit ceci :
Qu’elles
soient extérieures, intérieures ou secrètes,
Je te confèrerai toutes les
initiations, sans exception.
Comme il n’y a pas de
phénomènes ailleurs que dans l’esprit,
L’initiation ne se manifeste
pas ailleurs que dans le courant de conscience.
La suprême initiation se
trouve dans l’esprit ;
Ce sont les déités et Shenpos des trois temps qui l’ont dit
Et moi aussi, je l’exprime de
la même manière.
Si la suprême initiation [n’a
pas été intégrée] en soi,
Elle aura beau avoir été
conférée, elle n’aura pas été obtenue.
En effet, l’initiation aura
été transmise en totalité
Mais elle n’aura pas eu de
résultat
Extrait 3
C. La phase de
création
La voie tantrique
distingue la phase de création de la phase d’achèvement. La première sera
analysée en dix points :
1. Explication
des trois samadhis comme porte d’entrée
2. Caractéristiques de la
phase de création
3. Distinctions à établir
4. Comment méditer dans la
phase de création
5. Visualiser la déité
6. Comment corriger les
défauts et suivre correctement la voie
7. Mêler l’esprit à la
non-dualité pour se connecter à la réalité
8. Le degré de
familiarisation dans la phase de création
9. Comment passer de la phase
de création à celle d’achèvement
10. Étymologie de la phase de
création.
•
L’objet de la purification
•
L’action purificatrice
•
Le mode de purufication
C.1.
Explication des trois samadhis comme porte d’entrée
Ces trois
samadhis se rapportent respectivement à :
C.1.1. L’ainsité
C.1.2. La totale
manifestation
C.1.3. La cause.
Chacun de ces
samadhis sera abordé en trois points :
C.1.1 Le samadhi de l’ainsité
[4]
C.1.1.1
L’objet de la purification
Les imprégnations
psychiques se manifestant sous forme de souffrances dans l’état existentiel de
la mort représentent l’objet de la purification. Il est dit que les éléments
physiques qui s’étaient manifestés à partir de l’élément espace jusqu’à
l’élément terre
[5]
se dissolvent
graduellement dans un processus inverse au moment où la destruction se produit
lors du bardo du moment de la mort. À la fin, tout le sang des petits vaisseaux
sanguins se rassemble dans le canal vital. Cette opération amène l’émission
consécutive de trois gouttes de sang, ce qui entraîne trois respirations
finales de plus en plus courtes avant l’arrêt subit de la respiration externe.
Puis, s’élèvent, les unes après les autres, les trois expériences intérieures
de la luminosité, de l’accroissement et de l’imminence
[6]
.
C’est à ce moment-là que s’interrompent les quatre-vingt-cinq facteurs
afflictifs (les trente-trois conceptions issues de l’aversion, les quarante
issues du désir-attachement, les sept issues de l’opacité mentale, les trois
issues de la jalousie et les deux conceptions – grossière et subtile – issues
de l’orgueil).
Le tantra Lam Ngön Sangyepa l’explique dans le passage commençant par « les cinq facteurs afflictifs
cessent en cinq fractions de seconde » jusqu’à « les deux aspects grossier et
subtil de l’orgueil s’interrompent ».
À ce stade,
l’esprit est semblable à un ciel d’automne sans nuage, vide de toute
manifestation, de toute pensée et de toute discursivité. Son étendue ne
s’arrête nulle part et il ne tombe dans aucune position déterminée. La grande
omniprésence de la contemplation éveillée est l’union indissoluble de la
vacuité et de la Conscience, la sagesse nue, née d’elle-même et libre de tout
voile obscurcissant. On lui donne le nom de « Base de la liberté originelle
dont la nature est Claire Lumière ». Il est certain que la Claire Lumière
naturelle de la mort s’élève chez tous les êtres animés, qu’ils la
reconnaissent ou pas.
Citons le Lam Ngön Sangyepa :
Une fois que
les éléments se sont réabsorbés, le Réel naturel émerge
Et la Claire Lumière
semblable au ciel se manifeste pour tous.
Lorsque
se produit ce court instant de Claire Lumière, l’objet de la purification est
la non-reconnaissance de celle-ci, à l’image de la rencontre avec un inconnu,
et le manque également de la pleine conscience parce que l’on s’y était très peu
accoutumé antérieurement.
Extrait 4
LA BASE DU DZOGCHEN
À présent, voici la présentation quelque peu abrégée
des principes du Véhicule de la Grande Perfection ou Dzogchen,
l’insurpassable voie de la libération qui représente le coeur de tous les tantras, agamas et upadeaas, la
quintessence des quatre-vingt-quatre mille systèmes d’enseignement et le
pinacle des neuf Véhicules graduels. Elle constitue elle-même une catégorie des
trois types de voies, avec celles des abandons et de la transformation.
Seront successivement abordés :
A. La Base telle
qu’elle est ou le mode d’être fondamental
B. La voie
naturelle à pratiquer
C. Le résultat de
la voie pratiquée.
A. La Base telle qu’elle est
ou le mode d’être fondamental
A.1. Bref enseignement sur
le mode d’être de la Base dans sa nature fondamentale
Citons le Dringpo Sorshag :
En premier lieu, qui ne connaît pas le mode d’être
Ne
prendra pas la place-forte dans la Base.
Puis,
qui ne connaît pas le mode d’égarement
Ne
déracinera pas le fourvoiement.
Enfin, qui ne voit pas la réalisation s’élever en lui
Ne renversera pas la continuité du samsara.
Extrait 5
A.7. La
voie de la libération
Des trois voies – celles des abandons, de la transformation et de
la libération – cette dernière en représente le pinacle. Dans le système de
l’insurpassable Grande Perfection, il n’y a pas de voie à parcourir, elle est
subite ; il n’y a rien à abandonner, tout est auto-libéré et c’est pourquoi on
n’y trouve pas de Terres et de Voies à franchir graduellement, à la différence
des Véhicules inférieurs.
Citons :
– Le tantra Kundü Rölpa :
Comme il n’y a ni Terres ni
Voies à franchir, elle transcende [toute notion de] niveaux.
– Le Lungdrug :
Il n’y a pas de voie à
parcourir et il n’y a pas plus de Terre à franchir.
– Le Men-ngak Senge Drayang :
Il n’y a pas de voie à
parcourir.
Ne pas voir qu’il n’y en a pas est un
obscurcissement. Voir qu’il y a [une voie à parcourir] est une déviation.
En bref, le
maintien de la Conscience et de cela seulement est l’unique remède à toutes les
maladies, le savoir unique qui tout libère, l’antidote universel.
Si on est capable de
l’intégrer à la voie, sans jamais s’en défaire, dans les quatre activités physiques
et autres, en ramenant tout au champ de la telléité,
la sphère unique qu’est la nature de l’esprit, les défauts des Véhicules
inférieurs sont éliminés par eux-mêmes, sans qu’il soit nécessaire de les
rejeter.
Citons
à nouveau le Senge Dradrak :
Les
défauts des autres Véhicules
Sont éliminés d’eux-mêmes
sans avoir à être rejetés.
Les qualités des autres
Véhicules, également,
Sont
obtenues spontanément et sans effort.
[1] ‘Khrul pa. C’est-à-dire l’égarement qui consiste fondamentalement à prendre pour réel ce qui ne l’est pas et à ne pas discerner ce qu’est la réalité.
[2] Le tantra Sangdön Namche et d’autres également distinguent deux Bases, celle de l’état naturel [gnas lugs kyi gzhi] et celle du but poursuivi [dmigs yul gyi gzhi].
[3] Le terme tibétain utilisé ici [rnam shes] pourrait laisser croire qu’on parle de la conscience ordinaire et dualiste mais il s’agit en réalité de la Conscience éveillée [rig pa] non-duelle dont on parle ici.
[4]
Absorption méditative dans la vacuité. Elle constitue le premier
des trois samadhis dans la phase tantrique de création.
[5]
Les cinq grands éléments (terre, eau, feu, vent et espace)
apparaissent graduellement de l’espace jusqu’à la terre mais au moment de la
mort, ils se dissolvent les uns après les autres dans un ordre inverse, de la
terre jusqu’à l’espace.
[6]
sNang mched thob gsum. Les trois stades de
dissolution interne au moment de la mort, avant l’émergence de la Claire
Lumière.
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