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b/ les neuf défauts liés au désintérêt
On lit dans l’Immensité du Faîte Suprême ou Grande Perfection :
Ne pas avoir foi dans le Beun, manquer de dévotion,
Être insouciant à l’égard des préceptes, faire preuve de négligence,
dévaluer ou faire semblant,
Être distrait ou replié sur soi,
Écouter avec découragement :
De tels comportements sont à proscrire.
Ne pas avoir foi dans la doctrine, manquer de dévotion envers le maître, ne pas se soucier des engagements liés au respect des préceptes, être négligent en n’éprouvant aucun intérêt particulier pour le Beun, rester indifférent à la vertu en n’y accordant aucune importance ou, sous l’influence des proches, remettre à plus tard les actes positifs que l’on pourrait accomplir, laisser les sens s’égarer dans la distraction ou se replier sur soi-même, être las en trouvant, par exemple, que le temps ne passe pas assez vite : tels sont les neuf défauts préjudiciables à l’étude du Beun…
… En renvoyant au lendemain, les jours deviennent des mois puis des années et en différant ainsi les actes positifs, la vie humaine s’épuise en vain. Par conséquent, si nous ne sommes pas capables de développer une forte persévérance dans la vertu alors que nous avons actuellement la liberté de l’accomplir, nos regrets et notre tristesse ne nous seront alors d’aucune utilité lorsque viendra le temps où nous nous retrouverons dépouillés de tout et sans ressources pour errer dans les différents états des six domaines d’existence. Aussi, faut-il dès à présent rejeter le samsara derrière nous et nous appliquer sincèrement au bien avec l’empressement et le sentiment d’urgence d’une jolie femme dont les cheveux seraient en feu ou d’un poltron qui découvrirait un serpent sur ses genoux.
Si nous remettons la vertu à plus tard pour plaire aux proches, jamais ne viendra le temps où nous pourrons être délivrés des sentes périlleuses du samsara. Pour ce qui est de leur bonté, il n’y a pas mieux que nos parents actuels mais pour ce qui est de faire obstacle à la vertu, il n’y a pire ennemi qu’eux. De ce fait, si nous envisageons sincèrement de mener une authentique vie de vertu, il nous faut savoir que les victorieux n’ont jamais révélé de méthode pouvant nous permettre de réaliser l’éveil en une seule vie tout en cherchant dans un même temps à plaire aux proches. Dès lors, nous ne devons pas tenir compte de l’opinion des gens haut placés ni de ce que disent les relations, la famille ou les amis. Nous devons au contraire prendre notre décision en nous déterminant par nous-mêmes et gagner notre autonomie pour réfléchir de la manière suivante : « Ne devrais-je pas maintenant réaliser l’éveil authentique ? » Même durant la phase principale[1] de la pratique, il sera nécessaire d’appliquer ces principes tels qu’ils ont été expliqués.
Si nous agissons maintenant sous la seule influence des enseignements que nous écoutons, toutes les idées qui s’opposent à la foi comme au respect du Beun et du maître se dissiperont.
Voir le maître comme un bouddha en essence correspond à la doctrine du grand véhicule très secret[2] et c’est en gardant cela à l’esprit que, du fond du cœur, nous génèrerons la dévotion et la vision pure. En prenant cet engagement par la pensée, il nous faut dès à présent mémoriser correctement ces enseignements du Beun, sans rien oublier des mots et de leur sens,
La paresse et toutes les distractions ayant été abandonnées, nous devons étudier sans laisser d’autres pensées y faire obstacle. À ce propos également, ne négligeons aucun des mots prononcés par le maître. Au contraire, gardons chacun d’eux à l’esprit. Entre les sessions de pratique, récitons mentalement et de manière répétée les termes retenus, interrogeons le maître sur ceux que nous avons oubliés et clarifions leur signification. C’est animé d’un tel zèle que nous donnons tout leur sens à ces périodes post-méditatives.
En outre, certains considèrent qu’il n’est pas si important que cela d’avoir du mal à appréhender clairement les mots et de ne pas retenir nombre d’entre eux. Ne nous laissons pas gagner par une telle désinvolture. Tout d’abord, attachons-nous à ne pas oublier les quelques mots faciles à comprendre. Ensuite, pour ce qui est des nombreux termes difficiles, posons des questions, réfléchissons et vérifions-en le sens afin d’acquérir une certitude précise. En l’absence d’intérêt sincère pour l’étude et la réflexion, feindre d’apprendre en entretenant des relations hypocrites avec le maître et les amis spirituels revient à nous abuser nous-mêmes. Il convient donc d’éviter ce genre d’attitude et de générer du fond du cœur un effort enthousiaste pour écouter tous les mots prononcés sans rien laisser de côté, pour en assimiler le sens exact sans nous tromper sur la logique de leur enchaînement et pour ne pas séparer les termes de leur signification. Nous devons faire en sorte d’aboutir à une compréhension définitive, sans omission, adjonction ni erreur.
Alors que nous sommes censés écouter le Beun, si notre conscience mentale se laisse distraire extérieurement par les cinq facultés sensorielles et que nous nous mettons ainsi à suivre les pensées d’attachement ou d’aversion, nous créerons la base de toutes les souffrances à venir. Aussi, écoutons le Beun en bloquant la porte des sens orientés vers autre chose que l’enseignement !
Intérieurement, la multitude de pensées qui projettent l’esprit dans le passé ou le futur n’aboutira à rien si ce n’est à le distraire. Aussi, écoutons le Beun en coupant court aux pensées discursives !
Si les facultés sensorielles sont beaucoup trop repliées sur elles-mêmes, l’esprit tombera sous l’influence de la torpeur et de l’endormissement. Aussi, écoutons avec la conscience présente et les sens en alerte !
Lorsque les enseignements nous paraissent trop longs parce que nous avons soif ou faim ou parce qu’il fait particulièrement froid ou chaud, si nous les écoutons alors dans la contrariété, un tel état d’esprit ne convient absolument pas. Il faut donc dès à présent avoir la patience de supporter toutes les épreuves et souffrances qui pourraient advenir par intérêt pour la doctrine en comprenant que l’obtention d’une précieuse vie humaine, la rencontre avec un maître qualifié et la possibilité d’écouter les enseignements du Youngdroung Beun si difficiles à trouver ont pour cause la force des mérites accumulés durant de nombreuses existences passées. Nous devons désormais écouter le Beun en nous réjouissant à l’idée de la chance que nous avons d’entendre les profondes instructions essentielles du grand véhicule.
c/ les trois attitudes mentales sans intérêt
dans un Discours, on peut lire ceci :
En premier lieu, si l’intellect ne retient rien, c’est comme si l’on jetait des petits pois sur la face d’un rocher. Ensuite, si l’intellect n’examine rien, c’est comme si l’on plaçait un objet multicolore dans la main d’un aveugle. Enfin, si l’intellect ne comprend rien, c’est comme si l’on croyait stupidement à [la réalité d’]un arc-en-ciel.
Comme cela vient d’être dit, si nous ne gardons rien à l’esprit, nous aurons beau écouter le Beun durant cent cycles cosmiques, nous n’en retiendrons pas un seul mot. D’où l’exemple des petits pois jetés sur la face d’un rocher sans aspérité : aucun d’entre eux n’y restera collé.
Ensuite, si l’esprit n’examine rien, nous aurons beau garder en mémoire les mots entendus, nous ne comprendrons pas ce qu’ils signifient. D’où l’exemple d’un objet à l’aspect bigarré placé dans la main d’un aveugle : comme ses yeux ne peuvent le voir, les couleurs ne lui seront pas manifestes.
Enfin, si nous comprenons le sens des mots mais que nous ne les gardons pas à l’esprit, nous courrons après eux par attachement sans pour autant mettre en pratique leur sens profond, d’où l’exemple de l’enfant qui poursuit un arc-en-ciel en prenant pour réel le dessin coloré qu’il forme dans l’espace. Aussi faut-il en premier lieu retenir tous les mots prononcés par le maître sans rien y ajouter ni y retrancher. Mais cela seul ne suffit pas, il faut encore en comprendre le sens car dans le cas contraire, ces mots pourront bien ressembler à d’élégantes tournures stylistiques, ils ne seront d’aucun bénéfice pour notre esprit. Bien plus, nous serons incapables de réaliser le sens profond si nous nous emparons de celui-ci sans nous relier aux mots qui servent à l’exprimer.
À ce propos, citons l’Arcane :
Si les êtres dénués de réalisation ne sont pas guidés par les mots,
Ils ne peuvent comprendre, [à l’image du] doigt pointé dans le noir.
Prétendre comprendre sans le support des mots et de leur signification, c’est nous fourvoyer nous-mêmes et faire honte aux sublimes maîtres du passé. Si nous pouvons comprendre le signifié par le truchement des mots et si ce signifié peut être désigné par des mots, il restera encore à méditer le sens profond. Si nous suivons les mots sans méditer leur signification, écouter le Beun durant une centaine de cycles cosmiques ne sera d’aucun bienfait. Qui plus est, l’esprit ayant sombré dans l’inintelligence, cela deviendra même un obstacle sur la voie. en réalité, une fois que l’esprit aura assimilé le sens exact des mots, ces derniers perdront alors toute utilité.
L’Immaculé nous dit :
Les mots sont semblables à un trou dans la terre et leur sens à de l’or[3]. Si le sens est trouvé, à quoi servent les mots ?
Si nous ne méditons pas le sens des mots, une simple compréhension intellectuelle ne suffit pas pour réaliser celui-ci.
Cet ouvrage nous dit encore ceci :
Si l’on ne s’efforce pas d’établir le sens sans se laisser distraire, à quoi servira de bien connaître les mots tout en ignorant leur signification ?
Aussi est-il très important de méditer le sens des enseignements après les avoir assimilés à travers l’écoute et la réflexion.
[1] Les pratiques méditatives qui suivent les préliminaires.
[2] Les enseignements de la Grande Perfection ou Dzogchen.
[3] Cet exemple est celui du trou que l’on creuserait dans la terre pour y trouver de l’or. Ainsi, les mots sont comparés au trou et leur sens à l’or que l’on pourrait découvrir au fond de ce trou. Une fois que l’or est trouvé, le trou perd son utilité.
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