Extrait n°2 du cycle Mandala Yoga
de Lama Neldjorpa Shérab
Transcription FabienneLenoble
a. le précieux corps humain
b. limpermanence et la mort
c. le karma et la loi de causalité
d. la défectuosité du samsara
Tout chemin spirituel comporte des conditions préalables,préliminaires à tout engagement véritable. Sans elles, il nepeut y avoir de chemin spirituel. Celui-ci se faisant pas aprèspas, si les conditions dun premier pas sont absentes, lepas suivant est impossible. On peut venir à des enseignements etêtre même assidu, si on ne veut pas réellement renoncer ausamsara, on na pas capté lâme du chemin spirituel.On vient sinformer, recueillir des informations, on faitdes stages ; mais finalement il ny a pas de véritableengagement.
Que veut dire renoncer ? Cest dire non à lasouffrance et à ses causes. Cest tourner le dos et faireface à une autre perspective. Alors il faut engager un premierpas puis un autre. Cela prend la forme dun chemin. Mais cetengagement a besoin de définir un cap sur lequel sy tenir.Et cest laspiration qui évalue le bien fondé delobjectif : on va vers lÉveil.
Si notre chemin sappuie sur le renoncement, notreaspiration y trouvera lélan nécessaire pour parcourir lechemin et atteindre lobjectif.
Dans le Vajrayana et en particulier dans le Mahamoudra, oncompte douze préliminaires. Vous les trouverez en détails dansle livre « Le Mahamoudra » du IXe Karmapa (ÉdMarpa) :
- les quatre idées fondamentales qui détournentlesprit du samsara
- les quatre préliminaires spécifiques qui sont lesméthodes pour se libérer du samsara
- les quatre conditions qui apportent une fiabilité à notreengagement tout au long du chemin vers lÉveil.
La première des quatre conditions est le renoncement,considéré comme condition causale à la réussite spirituelle.Elle est causale au sens où le renoncement nous détournedune chose et nous oriente vers une autre. Le renoncementest générateur dune résolution, dunengagement, dune orientation, dune giration,dune conversion quimporte le mot Pour quenotre renoncement relève dun engagement responsable, sainet décisif, il nous faut respectivement aborder létude,la réflexion et la méditation des quatre idées fondamentales.
Ces quatre idées sont fondamentales au sens littéral du mot.Il faut les méditer jusquà leur intégration. Ainsi notreesprit se détourne des mécanismes du samsara en lui insufflantla nécessité du chemin et lenthousiasme à pratiquerjusquà lÉveil. Ce sont des moyens pour stimulernotre ardeur en devenant une référence à chaque moment deparesse ou de découragement. Leur méditation donnelimpulsion nécessaire à laspiration verslÉveil. Laspiration a besoin d'un moteur, dunerésolution ferme. Il ne sagit pas de méditer par exemplela souffrance ou la mort pour finir par un constat résigné. Ilny a pas lidée de résignation dans le renoncement.Le fait de se savoir malade entraîne une suite deconsidérations, dactions et de résolutions. On vareconsidérer par exemple notre alimentation, étudier les causesde notre maladie voir les différents points de vue destraditions médicales, puis enfin prendre un rendez-vous avec unmédecin pour nous soigner.
Ces quatre idées sont fondamentales tout au long de notrecheminement spirituel. Il ne sagit pas duneméditation destinée exclusivement aux « nouveauxvenus » et dont on pourrait se dispenser après quelquesannées dancienneté.
Pour la pratique du Mandala Yoga, jai adopté le textedes quatre idées fondamentales que lon trouve dans lesenseignements dor des dakinis de sagesse Soukhasiddhi etNigouma. Le yogi tibétain Kyoungpo Néldjor reçut dellesla transmission des six yogas essentiels qui fait touteloriginalité de la lignée Shangpa. Soukhasiddhi étaitune petite femme qui vivait en Inde misérablement avec son mariet ses six enfants. Un jour de grande pauvreté, alors que tousétaient partis en quête de nourriture, un mendiant vint à laporte réclamer à manger, et elle lui donna le dernier pot deriz qui leur restait. Quand le mari et les enfants rentrèrentépuisés sans avoir rien trouvé, ils demandèrent à la mèrede faire cuire la dernière ration de riz. Elle leur ditquelle avait pensé quils ne rentreraientquaprès avoir trouvé de la nourriture et quellelavait donné à un pauvre homme miséreux. A ces mots,furieux, ils la chassèrent de la maison. La vieille femme quittaalors sa région pour se rendre dans celle dUddiyana (tib.Orgyen) où elle devint vendeuse dalcool. Cest ainsiquelle fit la connaissance de son maître Viroupa.Celui-ci, surpris par sa foi et sa générosité, désira laguider hors du samsara et lui conféra au complet les quatreinitiations. Le jour même, elle obtint, à 61 ans, le pleinEveil de la nature de bouddha et son corps prit lapparencedune jeune fille de seize ans. On lappela alors ladakini de sagesse Soukhasiddhi, ce qui veut dire« accomplissement de félicité », parce quecest le cur même de sa pratique et de son Eveil.
Pour étudier en détail ces quatre idées fondamentales avecun aperçu traditionnel, reportez-vous aux livres suivants quecertains ont déjà étudiés : « Le Flambeau de laCertitude » de Djamgueun Kongtrul (Éd Marpa), « LeChemin de la Grande Perfection » de Patrul Rinpotché (ÉdPadmakara) et bien entendu « le Précieux Ornement de laLibération » de Gampopa (Éd Padmakara).
a. le précieux corps humain
« Pourvu des huit libertés et dix qualifications,le corps humain est supérieur à celui dun dieu,et son obtention est pareille à un joyau trouvé par un mendiant.De maintes façons, par les conditions, les probabilités et les exemples,Hormis cette vie-ci, son obtention est difficile.De plus, il est impermanent comme une bulle deau,et il est sûr quil sera détruit rapidement.Alors, rien dautres, hormis le Dharma, ne pourra maider.Cest pourquoi il faut pratiquer la voie profonde,essence de tout le Saint Dharma. »
La première idée fondamentale est une réflexion sur unecondition humaine pourvue des huit libertés et dixqualifications. Dans ces vers, se détachent troisaspects qui caractérisent la précieuse existence humaine :sa chance, sa rareté et sa précarité. Ensuite, on termine surla nécessité de pratiquer le Dharma.
Cette chance davoir actuellement obtenu une renaissancehumaine dotée des libertés et des qualifications estsemblable à un joyau trouvé par un mendiant. On se croitpauvre, démuni, sans moyen alors quon a au fond de sonpropre jardin un trésor caché. Nous avons à portée de main lacondition la plus favorable qui soit pour étudier, réfléchiret méditer.
En effet, lesprit peut prendre des renaissancesdifférentes, des modalités dexistences différentes enfonction du karma et des conditionnements perturbateurs.Traditionnellement, on parle de quatre continents et toutparticulièrement dans celui de Dzambouling, gouverné par lasoif, on parle de six classes de renaissances du samsara. Lesenfers, les esprits avides (ou esprits errants), les animaux, lesdieux, les demi-dieux et les hommes. Parmi toutes cesexistences, lexistence humaine est la seule favorableà un cheminement spirituel. Dans les autres continents etrenaissances, on ne peut pas même générer une velléitédaspiration.
Dans les enfers, les êtres vivent des souffrances extrêmeset incessantes. La souffrance infernale plonge lêtre dansune perception sans aucune perspective déchéance.Lesprit est dans un abîme de terreur sans la moindrepossibilité denvisager une fin. Lêtre des enfersest en situation récurrente fermée sur elle-même. Unenseignement sur limpermanence de la souffrance, sonillusion ou sa vacuité ne peut pas être entendu.
Dans le monde des dieux, cest la loi de lorgueilet du luxe. Les êtres expérimentent une hypertrophie desatisfactions due à lautosuffisance et à lorgueil.Là non plus, un enseignement sur limpermanence de lasouffrance, son illusion ou sa vacuité ne peut pas êtreentendu.
Dans le monde des hommes par contre, un enseignement surlimpermanence est crédible parce que lhumainexpérimente suffisamment de fluctuations entre bonheur etsouffrance. Un enseignement sur lillusion est crédible.Nous avons tous fait lexpérience de malentendu, deprojection qui font la fluctuation des désirs et des haines. Unenseignement sur la vacuité est envisageable si tout au moins onen soupçonne les symptômes à travers nos sentiments devanité, de désillusion, de déception. Il nous est donc" loisible ", ne serait-ce quedappréhender lenseignement spirituel. Cest unedes libertés qui rend précieuse cette existence. Si de plus ilnous est " loisible " dy réfléchir etde le comprendre, nous disposons dune autonomie qui nousfera devenir lacteur de notre engagement et de notreaspiration.
Cette condition humaine nest certes pas une conditiontoute satisfaisante. La maladie, la vieillesse et la mort ne nouspermettent pas de vivre en toute insouciance. On sera tôt outard confronté à une réalité existentielle. De plus,lhomme nest pas tendre avec lui-même. Il y alégoïsme, la haine, les conflits, les guerres. Cependant,nos insatisfactions morales nous interpellent sur notre conditionmême dhumain. Elles ouvrent sur des questionnements plusessentiels que la recherche de satisfactions immédiates. Cesquestionnements commencent souvent très jeune puis parfoissestompent avec lâge devant les consensus familiauxou sociaux. Il faut se permettre dêtre interpellé etdéstabilisé par nos interrogations devant ce qui semblenêtre que vanité. Cest notre chance, notre fortune,notre beauté.
En tant que telle, lexistence humaine est donc la pluspropice à sélever (de sa condition) et se libérer de sesconditionnements et illusions. Elle est propice à écouter desenseignements spirituels, mais pas seulement bouddhistes.Aujourdhui, en Occident, on a la chance davoir accèsà différentes traditions de sagesse, quon les nommereligion ou philosophie, pourvu quelles sappuient surdes valeurs universelles comme léthique, la compassion etune sagesse de lesprit. Les êtres éveillés tels que leChrist, les Prophètes du Judaïsme et de lIslam, lesAvatars de lHindouisme, les Éveillés du Bouddhisme etbien dautres se manifestent principalement chez les êtreshumains afin de transmettre une Voie, une Loi, un Dharma, un Tao.Ils offrent une issue à notre la souffrance parce que notre soifinterpelle leur compassion omnisciente, omniprésente etinconditionnelle. Je lappelle souvent une compassion "omnibus ". Elle sarrête en tous lesêtres de bonne volonté. Cette compassion est en libre service.Elle nest pas sous linfluence dune élite, despremiers de la classe, des fayots du rituel, des athlètes de lapénitence et de lascèse, des champions "réponses àtout", des supermasters qui ouvrent les chakras etsupervisent les auras, des " toujours propres sursoi ", des " jamais pris audépourvu " etc. etc. Soyons humain ! Curieux,faillibles, honnêtes, ridicules parfois
Cette condition humaine ne suffit pas en elle-même pourpouvoir maintenir un cheminement jusquà son terme :le plein Éveil. Pour quelle soit pareille à un joyau, illui faut être libre et qualifiée. Nous sommes tous différentset singuliers. À travers les différentes conditionsexistentielles, culturelles, sociales et historiques quelon rencontre dans ce monde, chaque individu répond selonses propres aspirations, son discernement intime du bien et dumal, sa conception personnelle du bonheur ou de la souffrance,avec plus ou moins dintelligence, dexigence et depatience. Une infinité de causes et circonstances extérieuresmêlée dune diversité de perceptions et réactionsintérieures créent finalement ce quon appellelhumanité. Un cocktail dexpériences qui peutparfois produire un sentiment dinégalité des chancesdevant notre légitime aspiration au bonheur. La naissancehumaine est une chance prévisionnelle comme celle davoirun trésor dans le fond de son jardin. Cela ne suffit pas. Encorefaut-il le trouver ! Le texte dit :
« Pourvu des huit libertés et dix qualifications,le corps humain est supérieur à celui dun dieu,et son obtention est pareille à un joyau trouvé par un mendiant ».
Une existence humaine nest un joyau trouvé quelorsquelle est pourvue des huit libertés et des dixqualifications. La chance nest plus alors prévisionnellemais effective. En tant quêtre humain, nous sommes libresdes conditionnements défavorables propres aux autres modesdexistence. On doit pouvoir disposer également deconditions favorables liées aux circonstances de lépoqueet des lieux. Si on réfléchit à notre situation actuelle, ontrouvera de nombreuses opportunités que notre société actuellenous apporte, comme la liberté des cultes, le progrèstechnique. Kalou Rinpotché nous faisait remarquer la chancedavoir un climat tempéré contrairement à lInde oùla forte chaleur nencourage pas toujours à la méditation.On dispose dun confort, à la fois matériel et moral.Vivant dans un pays tolérant, nous ne sommes pas sous la menaceconstante dagression ou de guerre civile. Dans une certaineurgence, il ne nous serait pas loisible de se préoccuper denotre pratique spirituelle. Enfin, il convient aussidévoquer ce quon peut appeler lopportunitécorporelle, cest-à-dire avoir toutes nos facultéssensorielles et mentales.
Dautre part, il faut être également libre deconditionnements psychologiques perturbateurs qui nous éloignentdune éthique élémentaire et dune sollicitude pourautrui, dune aspiration au bien. Un esprit encombré deconcupiscence, de violence, de léthargie, de futilité oudarrogance trouvera peu dintérêt dans destraditions spirituelles ou philosophiques. Il ne témoigneraaucun respect pour leurs enseignants parce quil ne sauraitestimer la valeur dune transmission. Ces qualifications nedépendent que de notre propre effort pour les acquérir dans lecourant même de cette vie.
Ces libertés et qualifications sont dues à une accumulationde mérites et de vertus acquises durant des vies antérieurescertes, mais également en cette vie même. Le devenir dunêtre se construit dune suite de perceptions et réactionsau gré des causes et circonstances qui se présentent. Ondevient ce que lon fait. Il ny a pas deprédéterminisme. À chaque instant, nous avons la liberté denos orientations, de nos intérêts, de nos résolutions. Danschaque situation, nous avons la possibilité de recevoir et dedonner. Cest en cela que lexistence humaine estprécieuse car le sens même de lhumanité est detransmettre.
Après avoir considéré la chance davoir obtenu cetteexistence humaine libre et qualifiée, on réfléchit sur ladifficulté de son obtention.
« De maintes façons, par les conditions, les probabilités et les exemples,Hormis cette vie-ci, son obtention est difficile ».
Si aujourdhui, en cette vie, nous avons pu obtenir uneexistence humaine, il nest pas dit que cela se reproduiradans les vies suivantes. Les conditions, les paramètres, sontdifficiles à réunir. Les probabilités sont infimes.Lexistence humaine est donc rare, ce qui la rendprécieuse. Renaître en tant quhumain est très rare parceque les conditions karmiques sont rarement réunies. Il faut uneaccumulation dactes vertueux et de bienveillance pour avoirdes conditions favorables à une renaissance humaine libre etqualifiée. Cette vertu de bienveillance et damour est unfondement de la nature humaine. Elle est associée au désir qui,selon le Mahayana, est une émotion qui peut être vertueuse. Ledésir-attachement est caractéristique de lêtre humain.Le désir dêtre aimé nous amène à aimer lautre etlon saperçoit quen aimant lautre, on estaimé. Le désir est fondateur des relations humaines et de sonorganisation sociale, politico-religieuse. En approfondissantlanalyse, on peut concevoir le désir comme le moteur delévolution de notre espèce. Mais on en reparlera plustard !
Au moment de la mort et dans le bardo, cette vertu de désirbienveillant, même confuse, induit une opportunité et unetendance à renaître en tant quhumain. Certains meurentdominés par la haine ou laversion et ils renaissent dansles enfers. Dautres, dans une léthargie mentale.Dautres encore dans une sorte dautosuffisance etdorgueil. Le nombre dhumains sur terre ne cessedaugmenter. Sans doute faut-il sen réjouir !Mais, encore une fois la condition humaine ne fait pas tout. Ilest nécessaire quelle soit libre et qualifiée.
Pour montrer linfime probabilité à renaître en tantquhumain, le Bouddha donna lexemple dunetortue. Dans La Marche vers lÉveil de Shantidéva, il estrelaté ainsi :
« En conséquence, dit le Bouddha, il est aussi difficileDe devenir un homme que pour une tortue de passer sa têteDans un joug ballotté sur les flots de limmense océan ».
La rareté dune existence humaine, libre et qualifiée,peut aussi être illustrée par une suite de dénombrements. Parexemple, le nombre des êtres dans le samsara estincommensurable. Il serait encore plus facile de compter lenombre de grains de sable des fleuves et des plages réunis.Maintenant, le nombre dêtres ayant une propension à lavertu et susceptible de renaître dans une précieuse existencehumaine se compte comme les étoiles visibles une nuit de pleinelune. Sil fallait encore compter le nombre dêtreshumains qui pratiquent une voie spirituelle, ils seraient aunombre des étoiles visibles au crépuscule. Cest unexemple. Venons-enau troisième aspect de cette existence humaine : saprécarité.
De plus, il est impermanent comme une bulle deau,et il est sûr quil sera détruit rapidement ».
Le corps est fragile, précaire, impermanent comme une bulledeau. Cette précarité rend dautant plus précieuselexistence humaine. Le corps est fragile. Un choc, unechute, un rien peut entraîner la mort. Le corps est composé etce qui est composé se décompose. Le temps passe vite. Unejournée passe vite. On se souvient dun évènement ;cétait déjà lannée dernière ! On naît, ontravaille, on meurt Est-ce quon sinterroge ouest-ce quon laisse passer une journée de plus
On a la chance davoir une orientation spirituelle etnotre corps est dautant plus précieux quil aide àla pratique. Il faut en prendre soin. Prendre soin de son corps.Ne pas le mettre en danger. Il nous aide à laccumulationde mérites par la pratique des prosternations par exemple (voirannexe). Dans le Yoga, le corps humain est considéré précieuxdu fait de sa configuration spécifique de canaux et soufflessubtils propice aux expériences profondes de Clarté, Félicitéet Vacuité. On pourrait dire que « le corps humain est àlimage de Bouddha ». Cest la seule conditioncorporelle avec laquelle on peut, de son vivant,séveiller.
Une fois quon sest pénétré des trois aspects decette précieuse existence humaine (chance, rareté,précarité), on termine sur la nécessité à pratiquer leDharma.
« Alors, rien dautres, hormis le Dharma, ne pourra maider.Cest pourquoi il faut pratiquer la voie profonde,essence de tout le Saint Dharma. »
Les quatre idées fondamentales se présentent de façonsimilaire. On nous annonce deux nouvelles : une mauvaise etune bonne ! Et on commence par la mauvaise. On a unprécieux corps humain mais le temps est compté. Peut-êtretrente ans, peut-être un an, peut-être deux jours, on ne saitpas. On a tout ce quil faut mais on ne nous garantit rien.Le corps est fragile, précaire, etc. On est comme un mendiant àqui on apprend quil possède un trésor sans lui dire oùet comment le trouver. Si on devait en rester là, on risque fortde se retrouver dans un état dabattement et de déprime.À ce stade, cest comme se retrouver sur son palier, à laporte de chez soi en ayant oublié sa clé à lintérieurde la maison. On se retrouve sans recours.
La bonne nouvelle, lespérance, cest quon ale Dharma. Une perspective souvre à nous, une possibilitédinitiatives et dactions. On ne reste pas planté làdevant sa porte close à se lamenter sur son sort. On va sebouger. On dispose de quelque chose entre les mains. Quand on ditque seul le Dharma nous sera utile, ce nest pas quoncherche à convertir qui que ce soit. Certains dentre vousne sont pas particulièrement bouddhistes. Il sagit avanttout dêtre profondément convaincu que nous disposonsdune issue à la souffrance et à la fatalité et que toutdépend de nous. Nous disposons dune voie spirituelle avecses méthodes. À nous de les mettre en uvre. Il nesagit pas de croire mais de secouer notre paresse et dedissiper nos illusions. La pratique du Dharma nous permet defaire des expériences valides qui seront utiles au moment de lamort car alors nous ne pourrons que nous remettre à notrepratique et nos expériences. Il faut simpliquer de toutenotre âme. Cest notre propre existence humaine qui est enjeu.
Quand on médite sur des idées comme celle-ci ou sur desnotions comme lamour, la compassion ou les paramitas, cesont des méditations conceptuelles. Dans le tantrayana, lemantrayana et les yogas essentiels, les méditations peuventêtre qualifiées de contemplatives. On y associe lavisualisation, la récitation de mantra et des exercices desouffles subtils.
Toute méditation commence par la concentration, puis lastabilisation et enfin le recueillement équanime. Cest laméditation du calme mental (tib. chiné, sct. samatha). Leprincipe de chiné, cest de placer son esprit dans uneconscience recueillie, non perturbée dopinions, sans apriori. Si on médite avec des opinions telles que « oui jesais, jai déjà vu ça », on ne va pas permettrelintégration de lidée dans le continuum de notreêtre. Prenez en considération lobjet de concentration quien loccurrence est une idée, un concept. Cest unenotion à laquelle on aura bien réfléchi au préalable, car aumoment de méditer, on abandonne tout intellectualisme, toutraisonnement. La réflexion entraîne une convictionintellectuelle. Elle est nécessaire pour ensuite méditer surdes concepts. Cette conviction assure, dans notre méditation,une stabilité de recueillement et une certaine naïveté. Ondoit pouvoir se permettre une découverte, une surprise.
Il convient donc de se pénétrer de cette notion, de syrecueillir, de simprégner du concept. Par la force delétude et de la réflexion, il va y avoir un sens ou uneimage qui nous accrochera plus que les mots. On va être touché,inspiré. Ce sens, cette image, on se lapproprie. Cela nedoit pas rester une idée abstraite, théorique. On apprivoise leconcept. On capte quelque chose et on se place confortablementdans la posture. La posture va permettre de se recueillir maisparfois un recueillement vient spontanément, assis sur uneterrasse dun café ou après une belle balade.
Dans la méditation conceptuelle, on va unir nos efforts devigilance et de lucidité sur lidée. Cest notreeffort de concentration. On ne se regarde pas méditer.Simplement savoir si on a cette notion à lesprit. Et on nese laisse pas distraire. On va être vigilant à toutedistraction qui nest pas cette notion. Il est en effettrès important de ne pas laisser son esprit vagabonder dans unesorte de débat. Dans la distraction, rien ne peut éclore oufleurir à lesprit. La méditation ne portera pas de fruit.Pour arriver à une intégration capable de dissiper les voilesde lhabitude ordinaire, il faut obtenir la stabilisation delesprit sur lidée à méditer pour déboucher sur unrecueillement équanime. On est constamment distrait, on gaspillenotre temps, on se divertit de lessentiel. Notre viesécoule jour après jour. La méditation sinfiltredans notre propension égocentrique. Lécoute,létude et la réflexion vont devenir des outils, desréflexes à la méditation. Plus on réfléchit, plus cestfacile de méditer, de se recueillir et dintégrer unenotion du Dharma comme une évidence. Et ça change la vie parpetites bribes, à dose homéopathique.
b. limpermanence et la mort
« Le réceptacle quest le monde extérieur sera détruit par le feu et leau.Mois et saisons ne durent quun instant.Tout est lié par les quatre limites de limpermanence.Tout ce qui naît doit mourir.La vie est telle un éclair ou une perle de rosée.Entre demain ou une vie suivante, on ne peut être certain de ce qui va suivre.Si on ne pratique pas le dharma quand il est présent à notre esprit,emporté par les démons de la paresse et de la distraction,on devra partir nu et les mains vides.Cest pourquoi je pratiquerai le Dharma sans perdre de temps. »
S'il fallait faire un choix, des quatre idées fondamentales,la réflexion sur limpermanence et la mort est la plusimportante. Elle est à méditer encore et encore, il faut sanscesse y revenir. Lidée ici, cest de réaliser que,dans notre condition actuelle, cest-à-dire dêtrenon éveillé, on va expérimenter la mort, la mort du corps etla séparation de notre esprit égocentrique avec le corps. Lecorps est mortel, on va souffrir des affres de la mort, quitterles êtres qui nous sont chers, quitter notre petit confortspirituel, notre paresse, notre routine et être emporté danslinconnu, ce qui va créer de la souffrance, de la peur...Et cest désagréable ! Les mots de Soukhasiddhi, parleur poésie et les images quils évoquent peuvent êtreune source dinspiration.
« Le réceptacle quest le monde extérieur sera détruit par le feu et leau ».
Ici, le réceptacle désigne lenvironnement, le mondedans lequel on va avoir lexpérience, ça peut être lesenfers, le monde des dieux. Pour les êtres humains, cestla Terre, soumise aux deux éléments qui sont à loriginedes modifications et des destructions, à savoir le feu etleau.
« Mois et saisons ne durent quun instant ».
Les années passent vite. Un an, une semaine, une journéepassent vite. A chaque fois quon réalise cela, il fautréaliser que la mort se rapproche.
« Tout est lié par les quatre limites de limpermanence ».
Les quatre limites, on dit parfois les quatre"extrêmes", ce sont les quatre modes que prendl'impermanence. Tout dabord, on dit que « toutce qui est haussé se rabaisse, tout ce qui est élevé, érigé,se détruit ». Une maison un jour ou lautre seradétruite, une notoriété, si grande soit-elle, s'effondrera. Onpeut même prendre lexemple dun individu : ilgrandit, puis la vieillesse venant, il commence à se tasser.
Ensuite, « tout ce qui est acquis, amassé, sedisperse ». Puis « tout se qui est composé sedécompose ». Le corps est composé et se décomposera.Cela est vrai aussi à un niveau moral. L'image que l'on a desoi-même est aussi composée de causes et circonstances. Enfin,« tout ce qui est réuni se désunit », par exempledeux amis qui deviennent des ennemis ou une famille au complet.Parents, enfant, chien, chat etc... Un jour le chat meurt, lesenfants quittent le foyer pour se marier, les deux vieux seretrouvent seuls avec "l'horloge qui dit oui qui ditnon". C'est dans la chanson de Jacques Brel.....
« Tout ce qui naît doit mourir.»
Qui dit naissance, dit création et sil y a créationcest qu'il y a composition d'éléments. Tout ce qui estcréé est composé, construit. Une table est créée, composéede plusieurs éléments. Le plateau, les pieds, les vis etc. Lebois même de la table est composé. Or tout ce qui est composése décompose. Parce que le corps est composé, il se décompose.Ce qui est poussière redevient poussière. Notre corps estcomposé, notre existence est composée. L'idée même d'être unhomme ou une femme, n'a pas d'existence intrinsèque. Cette idéeest composée. C'est une construction de l'esprit qui la prendpour une caractéristique définitive de notre être. C'est uneillusion de l'égocentrisme. C'est cela qui naît et qui meurt.
Cette méditation amène à la certitude que nous-même, nosproches et tous les êtres sans exception prennent naissance etmeurent. Pas un être néchappe à cette réalité.
« La vie est telle un éclair ou une perle de rosée.Entre demain ou une vie suivante, on ne peut être certain de ce qui va suivre. »
On est certain de mourir, la vie est impermanente. De plus, lavie est très fragile. Elle dépend dune réunion de causeset de circonstances. De fait, le moment de notre mort estincertain. On ne sait ni quand, ni comment. On peut sortirdici, tomber dans lescalier ou se faire renverser parune voiture. On peut mourir ce soir dans notre sommeil. Onsendort et on ne sait si on va se réveiller demain ou dansle bardo dune prochaine existence. On peut mourir dans sonlit, dans un accident de la route, dune crise cardiaque,dune maladie foudroyante... Différents évènementspeuvent provoquer la mort. Cest laspect précaire etaléatoire de la vie. On ne peut pas se fier à elle car ellepeut nous lâcher à tout moment. Et cette incertitude nousamène à nous convaincre quil est urgent de pratiquer. Ilne sagit pas dêtre stressé pour autant mais devenirmoins futile. Nous nous préoccupons souvent de satisfaire desbesoins immédiats ou bien nous dépensons beaucoupdénergie dans des projets sans véritable utilité à longterme et pour le bien dautrui.
« Si on ne pratique pas le dharma quand il est présent à notre esprit, »
Le dharma, cest la loi, une loi de lucidité et deconnaissance. Ça peut être le bouddhisme, le christianisme, ounimporte quelle pratique qui contrarie limpermanenceet la mort. Toutes les pratiques religieuses invitent àcontrarier la mort. Il ny a pas de fatalité. Certes ilexiste dabord une fatalité au niveau de lego, maiscelle-ci peut être dépassée : il suffit de senlibérer. Si on ne profite pas de cet instant pour pratiquer ledharma quand il est présent à notre esprit, on nest passûr de le retrouver dans une autre vie.
« emporté par les démons de la paresse et de la distraction, »
La paresse est très subtile. La paresse, cest laroutine et la routine, cest shabituer. La paresse,c'est rester prisonnier de nos idées toutes faites. Dire parexemple « non, je narriverai pas à pratiquer »ou « ce ne sera pas possible de méveiller »,cest aussi de la paresse. La distraction, cest ledivertissement, le fait de se trouver une diversion pour n'avoirpas à sortir de notre paresse et de nos habitudes et s'éviterainsi un questionnement plus essentiel. La distraction, ce n'estpas forcément la sortie au cinéma ou au restaurant. Maisparfois, il peut arriver de se sentir un peu"chiffonner" ; une petite déprime, un sentiment desolitude, un désagrément, un manque toutes ces petitescontrariétés qui nouent le cur sont des invitations à unrecueillement. Cependant, cest dans de tels momentsquon peut être tenté déchapper à cesdésagréments par des compensations. Trouver une diversion, undivertissement. Se distraire de lessentiel. Mêmeladhésion à une pratique religieuse peut être une formede diversion. Notre paresse et nos divertissements peuvent êtretrès subtils. Le contraire de la distraction, cest lavigilance. Sans vigilance, il n'y a pas de questionnement, deconfrontation. Il faut être vigilant sur sa façondadhérer à la pratique. La méditation sur la mort est,là aussi, très efficace pour stimuler notre authenticité.
« on devra partir nu et les mains vides.Cest pourquoi je pratiquerai le Dharma sans perdre de temps. »
La première phase de la méditation consiste à accepter laréalité de lexistence, la réalité de notre expérience,en particulier face à la mort. Mais il ne faut pas en restersimplement à laspect triste de limpermanence et dela mort. On meurt, on meurt ça ne suffit pas ! Onmeurt mais il y a un dharma qui peut nous délivrer de la mort etqui fait quon ne sera pas sans recours le moment venu. Lamort en elle-même na pas dexistence propre non plus.Cest la mort dun système égocentré, de notreégocentrisme habituel. La mort n'est pas un état maisl'expérience de l'esprit dans l'illusion. Si nous parvenons àreconnaître puis dissiper les conditions qui plongent l'espritdans l'illusion vient la réalisation de la non-mort de notrenature fondamentale. La mort est un facteur mental construit detoutes pièces par notre illusion égocentrique. Maislesprit en tant que tel ne meurt pas. Seulement nousignorons la nature fondamentale de notre esprit. Aussi laméditation doit-elle se poursuivre sur la certitude quilny a que le dharma qui peut nous aider, cest-à-direnotre propre pratique et lexpérience de cette pratique.Une fois bien placé dans cette certitude de l'impermanence et dela mort, on se place dans laspect positif. Quest-cequi nous reste ? Sur quoi peut-on compter ? A quoipourra t'on s'en remettre ? Le Dharma et son expérienceauthentique.
Peut-on compter sur nos propres pouvoirs ? Même despouvoirs spirituels ne serviront à rien au moment de la mort.Même un grand fakir qui traverse les murs. Au moment de la mort,ça ne tiendra pas la route. Ces pouvoirs sont associés aux cinqéléments et ce qui va se décomposer, cest lacollaboration de ces cinq éléments. Donc, même les pouvoirsdits extrasensoriels ne peuvent pas être utiles.
Le pouvoir de largent non plus, le pouvoir de manipulerles gens, le pouvoir politique, tout cela ne pourra êtredaucune utilité. Ni largent, ni lamour ni lapuissance, ni la gloire, ni la notoriété, ni mêmelanonymat, tout cela ne servira à rien. Peut-on quandmême compter sur ses amis ? Ni nos amis, ni nos ennemis caron sera seul pour expérimenter le moment de la mort. On serapeut-être accompagné pendant le processus de la mort mais onsera seul face à lexpérience même. Donc, il faut leméditer et en être certain pour ne pas avoir de mauvaisessurprises au moment de la mort. Ne nous racontons pasd'histoires.
On s'en remet aux qualités de la nature fondamentale de notreesprit. Cette nature est Bouddha. On s'en remet à la méthodequi nous fait réaliser cette nature de Bouddha. C'est le Dharma.On s'en remet aux Lamas qui nous enseignent ces méthodes. C'estla Sangha.
Dans un premier temps, on va pouvoir compter surléthique, cest-à-dire sur le fait davoirdéveloppé une vigilance sur nos intentions. Sont ellesvertueuses ou non. Cependant, cette vigilance dans l'éthique nedoit pas devenir fanatique et moralisatrice, cest-à-direune vigilance investit d'une idée de perfection. L'idée deperfection entraîne l'idée d'imperfection. Cela risquedamener un mal-être ou bien d'être dans des jugementscontinuels. Cette attitude est très pénible, et pour soi-mêmeet pour les autres si l'on décide de projeter l'imperfection surl'autre. Certains s'approprient le code éthique comme un manueldu parfait inquisiteur. Ils s'octroient le droit de rétribuerles mérites, les compliments, la hauteur des offrandes, lestitres mêmes ; lama, vénérable, très vénérable. L'éthiquedoit nous amener à une certitude sur nos propres intentions quideviennent ainsi de plus en plus claires, entraînant assuranceet légitimité. Il ny a pas de perfection. Il ne faut paschercher à devenir infaillible, parfait. La vie nest pasfaite comme ça. Ce quil y a dintéressant dansléthique, cest lhonnêteté. Ethique, ensanscrit Shila, a le sens de "frais". C'est un rapportd'honnêteté avec soi qui nous rend frais. Cest un peucomme pour un ordinateur avec un abonnement à unantivirus : tous les jours on procède à une mise à jourcontre les derniers virus. Léthique nous permet detoujours nous renouveler. Cest le but deléthique ; cest rafraîchir constamment le« disque dur ». Cest comme aller sur internet.Il y a systématiquement des virus et des spams. On est tousprévenus, mais par contre on nous dit « prenez un bonlogiciel antivirus » et en plus il y en a des gratuits.Dans léthique, on paie parfois un peu. On paie de sapersonne. Se voir sous un mauvais jour, pas très honnête,méchant, égoïste, orgueilleux ça nous coûte. Maiscest aussi très enthousiasmant. La confession estenrichissante car elle nous rend, non pas complaisant, maisindulgent.
Au moment de notre mort, notre pratique de l'éthique, avec cerapport d'honnêteté, nous permettra de n'avoir ni honte niregret. Et dans le cas contraire, il est toujours temps de seconfesser ou encore de parler ouvertement à nos proches.
Ensuite, au moment de notre mort, on va pouvoir s'en remettreà notre confiance, à notre foi. La confiance, ou la foi, seconstruit avec l'écoute, la réflexion et la méditation. Ilpeut y avoir d'abord une confiance affective : celle despremiers moments, par exemple un bon feeling, « jaimele bouddhisme », « jaime bien les lamas ».Mais ce nest pas suffisant. Il faut la confiance de laconviction qui sacquiert avec la réflexion et la confiancede l'expérience, la foi, qui s'acquiert avec la méditation. Lapratique du Dharma se résume à la pratique de l'écoute, de laréflexion et de la méditation. Par la simple force de la foi,le dharma bouddhique, le dharma chrétien ou le dharma islamique,tous les dharmas authentiques de ce monde permettent au moment dela mort, à tout le moins de se libérer de la souffrance.
Méditer sur la mort amène à sinterroger ce sur quoion peut sen remettre. Cultiver la réflexion surlimpermanence et la mort, cest, parmi les quatreidées fondamentales, celle qui est la plus efficace pourstimuler sa pratique du dharma, se détourner du samsara etaspirer à quelque chose de plus essentiel et de plusbénéfique.
c. le karma et la loi de causalité
« Au moment de la mort,même ayant tous les pouvoirs dun monarque universel,ils resteront derrière nous,et nous devrons errer seuls dans le bardo.Les conséquences des actes positifs et négatifsnous suivent, comme lombre suit le corps.Les actes commis ne se perdent paset il est impossible de ne pas être confronté à ce quils ont produit.Les actes samplifientet les résultats des actes positifs et négatifs, bonheur et douleur,mûrissent inexorablement pour leur auteur.Alors que ce monde ne dure quun instant,le samsara est dune éternité sans fin.Maintenant, pour éviter ma propre perte :dune manière générale, je reste convaincu de la causalité karmique,et en particulier, je préserve mes vux et engagements sans me couvrir de fautes ».
Le Bouddha Shakyamouni enseigna cinq processus causal.
1. le processus du karma
C'est l'ordre au niveau du mental illusionné (souillé) avecl'idée de cause et conséquence. En résumé : tout acte mental(intention) vertueux produit un fruit vertueux et tout actemental non vertueux produit un fruit non vertueux.
2. le processus physique inorganique
C'est l'ordre au niveau des phénomènes du monde, par exemple; les phénomènes saisonniers des pluies et des vents.
3. le processus physique organique
C'est l'ordre au niveau du monde végétal, par exemple ; unegraine de blé produit du blé, la saveur sucrée produite par lacanne à sucre ou le miel.
4. le processus de l'esprit
C'est l'ordre au niveau de la conscience avec ses différentspouvoirs, par exemple ; la clairvoyance, la clairaudience...
5. le processus du Dharma
C'est l'ordre au niveau de la Loi. Les phénomènes qui semanifestent par exemple lors de la dernière naissance d'unBodhisattva...
Tous ces processus s'imbriquent les uns aux autres dans unesubtile et parfaite interdépendance qu'il sera impossible demettre en équation.
Pour ce qui nous concerne présentement on s'en tiendra àl'affirmation simple et claire : tout acte (mental) vertueuxproduit un fruit vertueux et tout acte non vertueux produit unfruit non vertueux.
« Au moment de la mort,même ayant tous les pouvoirs dun monarque universel,ils resteront derrière nous,et nous devrons errer seuls dans le bardo ».
Le bardo dudevenir qui suit la mort est un espace d'expérience qu'on peutapparenter à celui du rêve. Toutes les illusions qui s'ymanifestent sont des créations de notre propre esprit sansaucune réalité objective. Elles apparaissent au gré du karma,de nos conditionnements latents et de nos impulsions dansl'extravagance de nos fantasmes, dans des proportions sanslimites et sans en avoir aucune maîtrise. Nous prenons lesillusions pour réelles, puis nous allons les solidifierprogressivement pour finalement prendre naissance dans le domained'expérience correspondant. Supposons que, sous l'influence dela répulsion et de l'aversion générées dans la vieprécédente, notre esprit émane, comme dans un cauchemar, desformes horribles et agressives venant pour nous tuer. Plus nousavancerons dans le bardo plus cela nous semblera tangible etréel. Nous éprouverons des peurs et de l'agressivité pourfinalement créer notre propre domaine d'expérience infernal.Nous aurons pris naissance dans l'enfer. Les perceptions et leursmanifestations du bardo dépendent du karma antérieur et de noshabitudes émotionnelles. Aucun pouvoir, même celui d'unChakravartin (monarque universel), ne pourra nous réveiller dece cauchemar. Personne ne pourra venir nous tendre une perche etnous tirer de là. Pas même un Bouddha. On est en plein dans lemonde de la projection de l'esprit. C'est un domaine qui ne peutêtre pénétré que par nous-même, par la force de la vertu,par le mérite de la lucidité acquise par la méditation. On estseul.
« Les conséquences des actes positifs et négatifsnous suivent, comme lombre suit le corps.Les actes commis ne se perdent paset il est impossible de ne pas être confronté à ce quils ont produit.Les actes samplifientet les résultats des actes positifs et négatifs, bonheur et douleur,mûrissent inexorablement pour leur auteur ».
Tant qu'on restedans l'illusion égocentrique et qu'on ne s'éveille pas à laréalité primordiale, on n'échappe pas aux conséquences de nosactes, quils soient vertueux ou non. Il est impossible deles enfouir indéfiniment dans un coin de notre inconscience.Tôt ou tard les conséquences de nos actes viendront àmaturité. Personne d'autre que nous ne devra en assumer laresponsabilité.
« Alors que ce monde ne dure quun instant,le samsara est dune éternité sans fin ».
Le samsara ne selimite pas à cette vie ni même à mille vies. Il ne s'arrêtepas au moment de la mort ou à la fin d'un nombre déterminé devies. Le samsara est sans fin parce qu'il est de la nature de nosillusions. Il ne cessera quavec elles.
Maintenant, pour éviter ma propre perte :dune manière générale, je reste convaincu de la causalité karmique,et en particulier, je préserve mes vux et engagements sans me couvrir de fautes ».
Il s'agit derenforcer la vigilance et d'agir en connaissance de cause. LeBouddha n'a pas exposé la loi du karma dans un simple soucimoralisateur. Il nous a informé d'un danger. Celui del'ignorance et de l'inadvertance. Il nous a enseigné toute lasubtilité de la portée de nos intentions les plus nuancées,les plus sournoises et leurs répercussions sur nos perceptionset nos sensibilités à l'échelle de l'infini. Les vux etles engagements que nous pouvons prendre sur notre cheminspirituel ne sont pas destinés à nous tenir en laisse ou ànous réprimer. Ils nous permettent de prendre conscience de nospropensions égocentriques. C'est un exercice de mise à nu etnon pas une épreuve de sévérité.
Il conviendraitde bien réfléchir sur ce quon entend par karma, termelargement passé dans le langage courant mais souvent mal compriset détourné de son sens véritable, parfois même chez lesbouddhistes. En effet, il nest pas rare dentendrequelquun déclarer avec fatalisme, après un accident devoiture par exemple « Ah ! Cest monkarma ! », comme si le déterminisme était uneconséquence de cette loi. Or la loi du karma est tout lecontraire du déterminisme. La loi du karma énonce unedépendance de nature entre l'acte mental, la perception et laréactivité. Cette réactivité étant elle-même acte mental,cest un processus sans fin tant que la réalisation du nonego ne tranche pas le cercle vicieux du samsara. La loi du karmaest le nom de ce processus qui s'établit en le mental souilléet illusionné. Le karma implique une causalité depuislintention jusquà la perception et ainsi de suite enpassant par la réactivité. Cest comme dune fleur àun fruit et du fruit à la fleur. Le karma énonce la loidun cycle et non pas la répétition de séquences. Pourceux qui ont déjà étudié les cinq agrégats, ce processuspeut résumer ainsi : notre karma façonne (agrégat forme) notreexpérimentation (agrégat sensation) qui, une fois saisit commeperception réelle (agrégat perception), stimule lesconditionnements latents d'une réactivité (agrégat volition).Le tout est vécu sur l'idée d'un soi destinataire (agrégatconscience de...) de tout ce qui lui arrive. L'acte impulsif(karma "infinitif") est d'ordre mental teintéd'émotion (é-motion) avec sa part de confusion etd'intentionnalité. Par projection, sur l'objet de son émotion,s'actualise alors un autre instant du processus karmique qui faittrace ; un acte délibéré (karma "participe passé")qui s'induit dans une action délibérée par une des troisportes d'action (corporelle, verbale ou mentale, une pensée).L'émotion est le vecteur par lequel s'instaure le karma. Lerapport entre émotion et karma est aussi nuancé qu'entre uneloi et son décret d'application.
Asanga aprécisé que le karma ne crée pas l'événement en soi, sinonil nous serait impossible de nous libérer de la perceptionillusoire. Il m'est arrivé d'entendre quelqu'un dire que lapersonne qui tue une autre personne aujourdhui le fait carelle a été elle-même sa victime dans une vie antérieure. Jene sais pas si vous voyez l'absurdité d'une telle idée. A quelmoment ce processus aurait-il commencé ? Il aurait falluquune personne commence. Et alors son action de tuercondamnerait la victime à devenir un assassin. C'est infernal.
Je vaism'arrêter là pour l'instant. Nous approfondirons plus tard.
d. la défectuosité du samsara
« Du sommet de lexistence à lenfer le plus bas,tous les lieux du samsara, hauts et bas,sont pareils à un feu ardent et à un jardin de lames de rasoiroù il nest aucune chance de bonheur.Daussi loin que ce soit dans le passé,on erre dans le cycle des existences.Inépuisables sont les artifices de lignorance.A présent, mû intimement par une sorte de tristesseet un renoncement intense,Jentre dans la voie de la libération et du bonheur permanent.Me hâtant à la suite de la complète libération des Anciens,Jobtiendrai en cette vie létat de Bouddha. »
Samsara a le sens de cercle vicieux, de roue viciée, polluéepar lillusion. Cest la roue sempiternelle desnaissances et des morts sous linfluence de lillusion.C'est le cycle des existences conditionnées. On naît, on meurtavec un lot fluctuant de bonheurs et de souffrances pourrecommencer sans cesse un nouveau cycle dexistences sansjamais pouvoir échapper aux différents types de souffrancesspécifiques à chaque type de renaissance (cf : leprécieux ornement de la libération,).
« Du sommet de lexistence à lenfer le plus bas,
Des plus hautes sphères du monde des dieux jusquàlenfer le plus bas, le plus intolérable, le samsarareprésente toute une gamme de renaissances possibles où desêtres s'égarent dans leurs illusions et leur soif. On pourraitse demander si cest le fait de naître qui fait quonest dans le samsara. Si cétait le cas, cela signifieraitdune part, que le samsara a une réalité en soi etdautre part, quun bouddha qui naîtrait seraitcontaminé par le samsara et ne pourrait donc pas être unbouddha. Or il ny a pas de fondement au samsara.
En fait, le samsara se définit en trois points : sonfondement est vacuité, il na pas de réalitépropre ; la condition de sa manifestation estlillusion ; et la caractéristique de samanifestation, son expérimentation, est la souffrance. D'autrepart, le nirvana, l'au delà de la souffrance se définit de lamême manière : son fondement est vacuité ; la condition de samanifestation est la désillusion ; et la caractéristique de samanifestation est le bonheur. Quand on dit que le samsara est lecercle vicieux des renaissances, ce nest pas la naissanceelle-même qui est mise en cause mais cest une naissanceparticipant de lignorance, de l'égocentrisme, desémotions et du karma. Par la force de légocentrisme,notre naissance est samsarique, cest-à-dire conditionnéedes actes du karma. Il existe cependant des êtres dont lanaissance nest pas conditionnée, sans impulsionségocentriques et qui naissent par la force de leur compassion.La force de la naissance dun Bouddha, cest sacompassion, mais il faut bien un père et une mère. Pour autant,sa naissance ninduit ni la souffrance ni le samsara.
Alors quentend-on par "tous les lieux dusamsara" ? Il faut bien comprendre que le samsara nedésigne pas un lieu géographique en soi. Le samsara nestpas situé, ce nest pas la Terre. Cela ne désigne pas unendroit particulier. Ce nest pas lextérieur parrapport à un monastère par exemple où on serait dans unparadis. Même dans le monastère il y a le samsara. Le samsarane peut pas être désigné par un quelconque endroit car lefondement du samsara est vacuité. Etre dans le samsara,cest simplement être dans lillusion du malentendu delégocentrisme, une illusion cautionnée parlignorance et aussi par beaucoup dautres choses commela paresse, lattachement, lorgueil. Le samsara,cest continuer à construire lillusion quonpeut obtenir le bonheur dans une attitude égocentrique.
Légocentrisme est la démarche première des êtresordinaires qui ont une vue centrée sur eux-mêmes, sur leur soifde bonheur. Tous les êtres exigent le bonheur. Il ny a pasun être qui souhaite souffrir. Même un masochiste souhaite lebonheur. Sa conception de bonheur est très singulière mais ilcherche du bonheur, des satisfactions. Les conceptions desatisfactions sont variées et relatives. Aspirer au bonheur esten soi légitime. Il ne faut pas se dire « je suisbouddhiste, je nai plus droit au bonheur». Tous les êtresont droit au bonheur. Le Bouddha a obtenu le bonheur immuable quiest la reconnaissance de la nature de lesprit. Il fautgarder cette volonté de bonheur mais notre point de vueégocentrique nous induit en erreur. Ce sont nos conceptionségocentriques du bonheur et les moyens égocentriquesdobtenir ce bonheur qui nous trompent comme
Tous les êtres sans exception cherchent le bonheur mais ilsne connaissent pas les moyens daccéder à un bonheurimmuable, celui de l'esprit. Dans le samsara, on accède à despetits bonheurs, à des satisfactions immédiates. Pour leshumains, elles sont associées aux satisfactions des cinq sens,visuelles, auditives, gustatives, tactiles et olfactivesgénérées par le désir-attachement. On ne condamne pas lavolonté dêtre heureux, la volonté de bonheur et desatisfactions. On dit simplement « vous voulez le bonheur,daccord, très bien mais attention ! les moyens dontvous disposez et que vous mettez en oeuvre sont voués àléchec ». Parce que le départ est déjà fausséd'avance. Nous partons sur la croyance en une entité dansl'objet de désir et le sujet qui désire. Cest donc unfossé que, dans son illusion, le désir-attachement ne peutcombler véritablement et de façon définitive et immuable.Cest ce qui définit la soif avec cette idéed'insatiabilité. L'illusion du désir-attachement renddéfectueux le samsara et la soif le rend insupportable et vain.On cherche à satisfaire un « je » là où ilny a aucune entité en tant que telle. On est dans unecourse au bonheur et dans une fuite de la souffrance. Mais jamaisaucun objet de désir ne pourra nous satisfaire de façon durableet cest ce qui fait la défectuosité du samsara. Il faitdéfaut. Le samsara nest pas quelque chose quon peutdésigner en soi, mais le mécanisme illusoire delégocentrisme crée les conditions de la manifestationdéfectueuse du samsara.
Méditer la défectuosité du samsara permet de voir que nosespoirs de bonheur sont voués à léchec. Il faut prendreconscience que dans cette soif de bonheur, on place nos espoirsdans des objets qui ne sont pas fiables. Parce quon neconnaît rien dautre. On ne nous a pas enseignédautres aspirations, dautres objectifs. On est dansle samsara et on consomme des objets de satisfactions, tout enimaginant quun jour on trouvera le ou les objets qui nouscombleront entièrement. Et puis le temps passe et on vieillit,vieillit, vieillit et on ne le trouve jamais. Cest ladéfectuosité du samsara. Le samsara est défectueux, on peutdire aussi quil nest pas fiable. Il est vanité desvanités, fumée des fumées, dit l'Éclésiaste. Maisattention ! Il faut se garder de raccourcis hâtifs :posséder une voiture ou un appartement par exemple ne désignepas le samsara qui lui, est issu des constructions delillusion. Par contre, faire dune grosse voiture unefinalité, par compensation, est un leurre, mais la fonction dela voiture comme moyen de transport nest pas une illusion.Se tromper dans les finalités nous distrait car nous ne nousposons pas les vraies questions. Cest pourquoi Soukhasiddhimet en garde contre « les artifices delignorance ». Lignorance crée desartifices, de lespoir, des distractions, de la paresse, dudésir, des répulsions pour essayer de négocier nos petitessatisfactions. Et ce processus est inépuisable. De la mêmefaçon, les conceptions de bonheur pour chacun des êtres sontégalement innombrables. Chacun a sa petite notion de bonheur.Pour lun, ce sera la réussite sociale, pour un autrelargent, ou le pouvoir, ou encore dêtre tranquilledans son jardin ou dans une grotte dans lHimalaya . Cesont des conceptions, des artifices de lignorance.
Il faut donc passer à un autre mode de soif de bonheur, unesoif spirituelle, une soif déveil ou une soif de Dieu, peuimporte le nom quon lui donne. Le samsara est défectueuxet le contraire de la défectuosité, cestlefficacité au bonheur, ce quon appelle le nirvana,cest-à-dire lau delà de la souffrance, laudelà des mécanismes de la soif, de légocentrisme. Toutcomme le samsara, le nirvana ne peut pas être désigné commeétant quelque chose en soi ou un lieu en soi. Ni le samsara nile nirvana nexistent en tant que tels. Mais pourlinstant, dans notre démarche actuelle, on va quand mêmedire quil y a quelque chose comme étant le samsara. On estdans le samsara et on aspire au nirvana
Cest ainsi quune fois pénétré de lidéede la défectuosité du samsara, on peut éprouver une certaineironie du fait dêtre notre propre dupe et de « sefaire avoir » par nous-même en quelque sorte. Ou bien,comme le dit Soukhasiddhi, on peut être
Prendre acte de notre précieuse existence humaine anoblitnotre condition, lui donne toute sa grandeur et donne tout sonsens au mot humanité. Concevoir l'impermanence et la mort nousamène à nous ouvrir à la réalité nue et à apprécier leprix de chaque instant et l'importance de chaque être. Assumerla causalité du karma ouvre à une responsabilité et à uneliberté d'esprit. Maintenant, la reconnaissance de ladéfectuosité du samsara marque une nouvelle étape dans notreengagement spirituel. C'est faire face à la vanité del'existence. Et faire face à la vanité, c'est couper court ànos petits caprices de désir-attachement. Si on médite lavanité, ce n'est pas pour saper le moral. Les méditationsprécédentes nous en préservent. Nous ne devrions pas sombrerdans le nihilisme. Il y a du sens, mais pas celui que notre soifsouhaiterait voir dans les choses. Le sens que l'on investit dansles choses tend à justifier nos désirs. La soif et ledésir-attachement propres à l'homme font qu'il produit plusqu'il nest nécessaire. Aussi longtemps que cela durera, onrestera un bon consommateur besogneux. Pour notre société desurproduction et surconsommation, la vanité est considéréecomme une notion néfaste car elle met en péril leurjustification et en lumière son cynisme.
L'expérience de vanité commence très souvent par uneexpérience douloureuse et brutale : la mort d'un proche, unlicenciement, une rupture ... Nous perdons d'un coup nos marques,nos identifications etc....Elle peut également se révéler parde petits signes de tristesse, des symptômes de vulnérabilité.Plus on aura assumé de "petites morts" dans notreenfance, plus il sera facile de faire face à la vanité. Ladéfectuosité du samsara est la quatrième et dernière idée àméditer car elle marque l'étape précédant une démarche forted'aspiration qu'on appelle le Refuge. On doit enchaîner avec uneattitude d'aspiration construite et non plus simplement faite denos espoirs et de nos désirs. On coupe avec ses rêves demystique et ses espoirs de transcendance. Le Refuge ne doit pasêtre un abri de compensations.
À partir de là, on va générer une aspiration fortedentrer dans la voie de la libération et du bonheurpermanent. On prend comme soutien les maîtres du passé, latransmission des bouddhas, leurs enseignements et on assume laferme résolution dobtenir en cette vie même létatde Bouddha. Cette résolution est importante parce que lerenoncement à lui seul, ne suffira pas. Si on se dit« bon, je renonce et puis on verra bien, il va bien sepasser quelque chose », non ! Cela ne va pas aller.Renoncer pour renoncer, ça ne sert à rien. On va peut-être sedonner limpression de parcourir un chemin spirituel endevenant végétarien par exemple, mais il peut ny avoirrien derrière sinon une simple affaire de goût. Il faut êtreattentif à nos mécanismes. Il faut le renoncement mais avec larésolution de quelquun qui est confiant en lui-même etrésolu : « jobtiendrai létat de Bouddhaen cette vie ! ». Il ne sagit pas de se direavec une sorte de fausse modestie "létat de Bouddha,ce nest pas pour moi, je ne suis pas assez évolué"ou bien "jattendrai une autre vie". Si le Bouddhaavait commencé comme ça, il ne serait jamais devenubouddha ! Parfois, jentends certaines personnes medire "pour linstant je ne peux pas, je suis unefemme" ou "je suis français". Ce sont desconceptions, souvent entretenues par notre paresse. On aspire àlÉveil mais en même temps, on ny applique pas uneréelle détermination car cela contrarie nos habitudes.
Il ne faut pas hésiter à prétendre à lÉveil. C'estfaire honneur à notre bouddhéité. On donne alors tout son sensà notre précieuse existence humaine. On prétend, un peu à lamanière d'un homme daffaire qui recherche unemploi. Il arrive dans une société avec son curriculumvitae, il analyse cette société et il en conclut "voilà,votre société a besoin de mes services". On analyse lesamsara et le samsara a besoin de notre Eveil, pour le bien desêtres.
Ainsi se termine la dernière idée fondamentale des quatrepréliminaires communs.
Ces quatre idées fondamentales ne quittent jamais unpratiquant et chacune se médite en prenant en compte deuxaspects. Il y a d'un côté laspect pessimiste. On admetlétat actuel des choses : la mort, limpermanence, ladéfectuosité du samsara. De l'autre côté, il y alaspect optimiste qui stimule la vigilance et l'aspiration.Il faut finir ces méditations par la détermination à pratiquerle dharma. On est "en danger" mais il existe une issueet cest la pratique du dharma. Parce que si on ne le faitpas, au moment de la mort, on sera seul. Il ny a doncplus que le dharma qui compte. Et quand on dit le dharma, cenest pas d'avoir fait des stages dans des centresbouddhistes. Il s'agit de l'expérience des qualités de l'espritpar le mérite de l'effort sincère et profond dans la réflexionet la méditation. Quand on sera face à la mort, on ne sera pascomme un petit enfant. On aura vu des qualités de notre esprit.Voilà en quoi consiste la pratique du dharma et le but de laméditation.
Plus on médite, plus ça vient spontanément. Au début on sepose des questions, on a des doutes. Si on a des doutes,cest quon a commencé à avancer. Il ne faut pas sedire " ah, je ny comprend plus rien,jarrête !", non ! Cest simplementquon se creuse les méninges ! Les doutes favorisentla réflexion, nous entraînant à relire un texte ou àréécouter un enseignement. On se pose des questions, onréfléchit. Et à nouveau méditation, méditation.
Si ces quatre idées fondamentales sont intégrées, ou mêmeseulement lune dentre elles, automatiquement vient lerenoncement. On est prévenu, on est responsable. Cest ànous de choisir ce qui sera fiable au moment de la mort. A partirde là, on assume. Et on finit la méditation par un élan qui vanous stimuler vers laspiration, vers ce quon appellele Refuge.